Dimanche soir, je n’ai pas tout compris aux bilans tirés par les entraîneurs de L1 virés comme des malpropres, ou par les anciens joueurs qui préfèrent donner des leçons depuis les tribunes plutôt que de prendre le moindre risque sur un banc. Tous médias confondus, les analystes du ballon rond présentaient un front uni : à l’unanimité des suffrages exprimés, Paris avait obtenu un bon résultat, alors que Marseille marquait le pas. Alors parce que je suis un mathématicien que les calculs les plus ardus n’effrayent pas, je me suis jeté dans une étude particulièrement poussée du classement de la L1.
Là, pas de pot, mes opérations posées avec application dans mon cahier 21x29,7 petits carreaux sans spirale montraient pourtant que le PSG n’a pris qu’un seul point ce week-end… tout comme l’OM. Alors j’ai continué à écouter les glorieux anciens. Pour eux, c’est très simple, ces deux matches n’ont rien à voir : au PSG, on est allé chercher bon point, alors que les Marseillais ont concédé le point du nul. Aucun rapport, on vous le disait. Sauf qu’au final, le soir de la 38e journée, qui se souviendra que Marseille avait mal joué contre Lens, là où les Parisiens auront produit du beau jeu à Lorient ?
La difficulté de la tâche des chroniqueurs, c’est qu’on leur demande d’analyser à chaud des résultats, puis d’en tirer des prospectives à court ou moyen terme… sans leur laisser une seconde de réflexion [1]. Ce qui donne toujours le même résultat : tous restent sur l’impression du moment, et imaginent que ce ressenti va se prolonger.
Marseille a ouvert le score mais s’est fait rejoindre en fin de partie, alors que Paris a concédé le premier but puis a su revenir à la 90e. Du coup, on reste sur un joli joujou à trois points que les Phocéens se sont faits promettre avant qu’on leur retire, pendant que Paris a gagné un point alors que trois minutes avant, c’était le zéro pointé qui se profilait. Voilà qui suffit à donner deux analyses opposées.
Petite expérience… Gardez les mêmes actions, rejouez exactement les deux mêmes matches, mais échangez les mi-temps : Lens ouvre la marque puis Marseille revient, alors que Paris mène dans le temps additionnel de la première période et voit Lorient égaliser. Chacun se serait créé les mêmes occasions après les mêmes passes tout au long de la partie, mais pas dans le même ordre. C’est exactement le même résultat au final, et pourtant je me demande si les commentaires des uns et des autres seraient identiques…
Mais après tout, qu’est-ce qu’on s’en moque ! Paris est revenu grâce à son Brésilien magique, et dans le temps additionnel qui plus est. Je croyais qu’après les égalisations de Chantôme à Dortmund, ce genre de buts en toute fin de match, je finirais par m’en lasser mais en fait non : c’est toujours aussi bon. En plus, même si j’essaye de garder la tête froide, je ne peux pas m’empêcher de me dire que les autres saisons, ça n’était jamais à nous que ce genre de trucs arrivaient. Que revenir au score dans le temps additionnel, ça ne peut pas être complètement dû au hasard. Que ça veut forcément dire quelque chose. Qu’à terme, ça peut faire la différence.
Puis je pense à tous les journalistes de L’Équipe qui avaient déjà fini leur compte-rendu expliquant que le PSG marquait le pas et gâchait la victoire acquise contre l’OM, et que si Kombouaré n’achetait pas un kebab à l’ensemble de son groupe le vestiaire se fissurerait. Je les vois obligés de reprendre leur article en virant le titre Le beau jeu à la lorientaise, je les imagine obligés de rajouter un petit +2 à toutes les notes du joueur par joueur… Raaah : c’est bon.
Presque aussi bon que de penser à ce à quoi on a échappé. Parce qu’on rigole, mais dimanche soir, un peu plus et l’impensable se serait produit : on a failli voir Gourcuff sourire en conférence d’après-match. Parce qu’il faut quand même le dire : à part tenter de pourrir l’existence des Parisiens, personne n’a encore trouvé qu’elle pouvait être la raison de vivre du coach merlu. Sa seule joie dans l’existence.
Et là, sur cette frappe du gauche qui va dans le petit filet, plus qu’un petit point au classement, plus que le renversement du cours du match, plus que la soirée de gâchée pour les journalistes de presse écrite obligés de bosser une demi-heure de plus que prévu [2], c’est six mois de tronche intégrale de la part de l’homme le plus mal embouché de la L1 que Nenê vient d’infliger aux Lorientais.
Et ça, ça n’a pas de prix !