Bon, soyons clairs d’entrée de jeu, ça nous évitera à tous d’avoir à rectifier le tir par la suite. La violence c’est mal, mais les câlins et les bisous c’est bien. D’ailleurs à PSGMAG.NET, nous sommes pour la paix dans le monde, contre la guerre en général, et les essais de missiles balistiques iraniens [1] en particulier. En tous cas tant qu’ils n’en auront pas construit un capable d’aller jusqu’à Lorient, s’écraser dans le jardin de Gourcuff. Gourcuff qui, précisons-le, mérite quand même des claques dans sa gueule.
Mais qui es-tu, petit merlu ?
Revenons en arrière, et découvrons qui se cache derrière ce rude visage de paysan breton, appel vibrant à la bonne taloche. Né en 1955, Christian a longtemps hésité entre réussir sa vie ou la rater. Devant tant d’indécision, la Vie a donc choisi pour lui, et a fait de Christian Gourcuff un prof de math. Pas de bol. Surtout quand, comme lui, on avait tablé sur une carrière de footballeur pro, et remporté la Gambardella avec le Stade Rennais à dix-huit ans. Sauf que voilà, viré de Rennes dès 1974, notre surdoué dû bien vite revoir ses plans. L’année même où, face à Nantes — club fantasmé dont l’évocation seule parvient à provoquer une semi-érection chez Gourcuff —, alors même qu’au rayon ballon rond débutait un certain Glassman, notre tête à claques se voyait elle contrainte de se consacrer à la sphère de Riemann. Si près, si loin… si aigri. Un saisissant résumé de l’existence même de Christian Gourcuff.
Parsemée de clubs prestigieux, la carrière du Breton a de quoi faire saliver. En plus de la pas tout à fait célèbre aventure humaine et sportive de l’US Berné, on pourrait citer son expérience à l’étranger, avec le FC La Chaux-de-Fonds. Mythique. Son amour du ballon l’amènera ensuite à entreprendre une véritable quête du beau jeu, là même où les rues respirent le football : une saison pleine au Canada, avec le fameux Supra Montréal. Un must.
Makelele on le connaît. Il est dépassé, il est en bout de course._ Christian Gourcuff, 27/09/2009, L’Équipe
C’est fort de ce parcours exemplaire que l’entraîneur de Lorient peut se permettre de critiquer le joueur Makelele [2]. Qui mieux qu’un ancien de l’US Berné pour remettre à sa place un international ne comptant guère que 71 sélections en équipe de France ? On se le demande.
Plus malin que la moyenne, Gourcuff trouvera en 1982 la bonne combine pour assurer enfin sa place de titulaire. Et ce malgré l’incompréhensible manque de reconnaissance de son éblouissant talent de footballeur. Il effectuera donc les dernières années de sa carrière au poste d’entraîneur-joueur. Pas bête — à défaut d’être bon…
Après avoir tutoyé les étoiles et révolutionné la pratique de son sport, c’est au sommet de son art que Christian Gourcuff raccrochera les crampons. Il tirera sa révérence en 1991, quittant l’US Pont-l’Abbé d’Arnoult en pleine gloire. Heureux qui, comme Gourcuff, sait ne pas faire l’année de trop au plus haut niveau.
Bon, alors là, le Breton sera même allé beaucoup plus loin dans le raisonnement, puisqu’il n’aura pas fait d’année du tout à haut niveau. Sans doute histoire de vraiment être sûr de pas faire celle de trop… On sent toute la logique mathématique du raisonnement.
Après l’entraîneur-joueur, l’entraîneur-loser
Débute alors une nouvelle ère, celle du coach. Admiré de tous… enfin surtout de Charles Biétry, qui lui décernera une étiquette de théoricien révolutionnaire de la chose footballistique, Christian Gourcuff accède à la renommée à la fin des années 1990. Depuis, personne n’a cru bon de vraiment chercher ce que Gourcuff avait pu faire pour mériter ce titre [3]. Quand on sait qu’il s’agit là de l’avis d’un gars qui croyait en l’efficacité d’une charnière Goma – Wörns [4], on peut se dire que la méfiance aurait tout de même dû être de mise.
Mais non, depuis, Gourcuff a la cote. Quand Le Guen se voit reprocher de ne sourire qu’une fois par année bissextile, Gourcuff peut traîner son faciès de prof de math en pleine surveillance d’interro surprise sans souci. Tout le monde s’en tape. Il faut dire que l’homme est décalé. Et porteur d’une certaine idée du football. Laquelle ? C’est un peu compliqué. Certains entraîneurs évoquent le football-champagne, d’autres le beau-jeu à la nantaise. Gourcuff lui, sa touche personnelle est ailleurs. Son truc, c’est le football qui perd. C’est sa patte. La marque du génie.
Entraîneur depuis 1991, Christian Gourcuff est passé par Lorient, Rennes, Doha [5] puis de nouveau Lorient… le tout sans accrocher le moindre titre. Alors OK, l’homme n’a pas trusté les plus grands clubs. Mais ceci explique sans doute cela : certes, on ne peut pas non plus tout miser sur son talent d’entraîneur (enfin surtout lui). Mais quand même, en près de vingt ans de carrière, on y va, on fonce, et sur un malentendu ça aurait peut-être pu marcher. Bah là, non.
Rien…
Pas même une petite coupette de la Ligue, ou un accessit en coupe de France. Le désert. L’ensemble vide ! Une seule exception à la nullité totale du palmarès des clubs par lesquels Gourcuff est passé, l’année 2002 avec Lorient. Le club breton gagnera la coupe de France et échouera en finale de la coupe de la Ligue… précisément l’année où Gourcuff était parti à Rennes. Oups. Un footballeur parlerait de coïncidences, mais un mathématicien préférera évoquer les probabilités, et la loi faible des grands nombres. Échouer dix-huit années consécutives dans toutes les compétitions, il ne s’agit plus de chance à ce niveau-là, mais bien d’un manque total de talent.
Gourcuff est donc l’instigateur génial d’un système révolutionnaire. Un projet de jeu pensé, travaillé, mûri et façonné au fil des ans. Toujours remanié, sans cesse amélioré. Gourcuff est le maître absolu dans sa catégorie : le football du loser. Respect.
Gourcuff sait donner la leçon
Une fois la nullité crasse du personnage établie, on peut s’intéresser à l’autre facette de cet homme paradoxal : le côté donneur de leçon. S’il y a bien un représentant de ce travers de l’enseignant, c’est Christian Gourcuff : il faut qu’il vous fasse un cours, même quand vous ne lui avez rien demandé du tout. Or, ce qui agace chez celui qui a les compétences, et la légitimité pour vous sermonner revêt un caractère insupportable face à un perdant-né.
Alors que la Nasa a ouvert plusieurs missions de recherches pour tenter de trouver des traces de vie dans le palmarès de Christian Gourcuff, ce dernier se permet de tenir chronique au quotidien Aujourd’hui Sport [6] — dont la publication a été arrêtée faute d’audience — ou de donner son avis sur les plateaux télé. La véritable question étant de savoir comment cet homme parvient à résister à la honte quand il se présente en public. Mais non, rien ne le démonte, le gars ose tout [7] :
Si j’avais été sur le banc, je n’aurais pas fini le match. Makelele peut prendre le sifflet, ça aurait été pareil. Le comportement de Makelele, et l’arbitrage par rapport à Makelele, c’est un scandale. […] Ce n’est pas parce qu’on est international qu’on peut faire n’importe quoi. Il y a une simulation sur la faute qui donne le coup-franc à Jallet, et une agression sur Diarra.
S’il n’est pas question ici de remettre en cause le mauvais match de Makelele à Lorient — ça arrive parfois même aux meilleurs, la preuve —, interrogeons-nous plutôt sur ce besoin masochiste qu’a Gourcuff de passer publiquement pour un gros frustré. On pourrait souligner que Makelele n’a commis, en tout en pour tout, qu’une seule faute durant ce match à Lorient. Pour un joueur qui met des coups afin de compenser sa faiblesse, c’est peu… En mobilisant un neurone de plus que le total disponible chez l’entraîneur breton [8], on devrait pouvoir ramener à la surface le souvenir du match de Makelele face à Lyon. Match qui remonte tout de même à six jours en arrière, c’est loin, et dont la performance avait valu au capitaine du PSG le commentaire suivant dans les colonnes du Parisien :
Makelele (7). Le capitaine a été précieux à la récupération du ballon et a fait jouer son expérience pour harceler constamment le milieu lyonnais. Un peu de déchet dans ses relances mais hier soir il avait ses jambes de 20 ans. Une seconde période impressionnante.
Comment un entraîneur qui laisse sans rougir une certaine presse le présenter comme un théoricien du football peut-il tenir des propos aussi incohérents ? Mystère. En tous cas après les départs précipités de Sim, Filip Nikolic et René des Musclés, Christian Gourcuff devrait se méfier : il semblerait que finalement ces dernières semaines le ridicule se soit mis à tuer. Dans cette optique-là, les propos de Kombouaré prennent quasiment valeur de mise en garde. C’est bien simple, le coach breton devrait remercier son homologue du PSG de se soucier de sa santé.
Enfin, encore faudrait-il que Gourcuff en soit capable. Car le pauvre homme, comme nombre de frustrés d’ailleurs, semble nourrir quelques aigreurs tenaces vis-à-vis du club parisien. Remontons huit ans en arrière quand, à Rennes, Luis Fernandez avait amené le Paris Saint-Germain à la victoire. Le discours de Christian Gourcuff fleurait déjà bon l’insatisfaction crasse.
Ce PSG est une vraie équipe de bûcherons. C’est un scandale de voir ça. Il n’arrête pas de mettre des coups et de provoquer des fautes à quarante mètres. L’attitude de l’arbitre me sidère. Il s’est rendu complice du matraquage parisien. Et par-dessus le marché, je me fais insulter par un énergumène [Luis Fernandez]. Ce n’est pas toujours les meilleurs qui gagnent. On a péché par la naïveté face à la manière forte.
Comme quoi, on pourrait se dire que huit longues saisons auraient pu suffire à gommer au moins en partie le complexe d’infériorité qui habite notre entraîneur-loser. Mais non. Même aigreur, mêmes piteuses excuses pointant du doigt l’arbitre, vraiment vilain, les autres qui font rien qu’à de bousculer ses joueurs… et surtout, même analyse confondante de ses propres lacunes. Non, avec Gourcuff ce ne sont pas les meilleurs qui gagnent. Ce sont les autres. [9]
On doit respecter l’homme [Makelele] et sa carrière. Christian Gourcuff, il faut lui dégonfler son cigare. Je suis très fâché. On peut tout dire du joueur mais c’est interdit d’attaquer l’homme. Il faut que Christian Gourcuff parle football et arrête de se prendre pour un autre. J’ai l’impression que ce mec-là est aigri. Est-ce qu’il a un souci ? Excusez-moi de parler avec mes mots à moi, mais ce genre de mec mérite des claques dans la gueule._ Antoine Kombouaré, le 28/09/2009, RMC
Mais alors, au bout du compte, faut-il excuser les paroles de Kombouaré, ou les condamner ? Il est bien difficile d’en vouloir au coach du PSG quand il relève l’aigreur et la mégalomanie infatuée de Gourcuff. Seule la vérité blesse. Impossible de lui reprocher de soutenir son joueur quand celui-ci est calomnié, qui plus est par un incapable. C’est son rôle, les joueurs du PSG lui en sauront gré.
Reste la fameuse « claque dans la gueule ».
Là, chacun se fera son opinion. Mais de ce côté-ci du périphérique, tout de même… Dans ce stade où les cris de joie consécutifs à la tête victorieuse de Kombouaré face au Real Madrid résonnent encore, match après match ! À Paris, la seule ville de Casque d’Or ? Au PSG, le club qu’Antoine le Kanak a contribué à amener au sommet de la L1… Là, le choix risque d’être vite fait.
Je suis très fâché. D’ailleurs, je lui ai laissé deux messages et il ne m’a toujours pas rappelé. Qu’il dise à la fin du match, et ça je peux le comprendre, que Claude Makelele a commis beaucoup de fautes, qu’il a parfois été à la limite et qu’il mérite le rouge sur l’action contre Sigamary Diarra, pas de souci. À chaud on peut réagir comme ça, je sais de quoi je parle. Mais je n’accepte pas qu’il s’attaque à l’intégrité d’un joueur, mon joueur en l’occurrence. Quand il dit qu’il est dépassé et n’a plus rien à faire sur un terrain, je dis stop. […] Il est irrespectueux, dépasse les limites et va avoir affaire à moi. Il y a des choses que je ne peux pas accepter.
Antoine Kombouaré, le 28/09/2009, RMC
Un coach qui soutient son capitaine face à l’insulte, un homme qui parle avec ses tripes, un sanguin qui a gravé à la force de sa volonté l’une des plus belles pages de notre légende, Antoine, notre Parisien de cœur et d’âme… mais qui hésiterait à le suivre ? Qui hésiterait à partir à la guerre avec cet homme là ?
Comme les plus grands, les Hechter, sacrifié à l’autel de la triche, Borelli, destitué par et pour le fric roi, Luis l’impétueux, brocardé, Cayzac le trop droit, ou Just Fontaine au cœur malade, comme tous ces glorieux Parisiens, Antoine Kombouaré manque sans doute d’hypocrisie et de duplicité pour traverser impunément ce monde pourri. Son passage au PSG ne se fera pas sans heurt. Nous le savions dès le départ. Il n’a pas changé, notre Casque d’Or.
Alors il s’apprête à traverser cette première crise, et tous les faux-culs effarouchés de la L1 vont lui tomber sur le dos. Qu’il se rassure.
Antoine Kombouaré ne sera jamais seul. Car entre les Parisiens et lui, c’est pour la vie.