Que vaut à monsieur un club par an l’honneur de se faire tirer le portrait par PSGMAG.NET ? Vivant reclus à pas cinq minutes de la cafétéria du musée Peugeot, ce qui est bien pratique pour sortir les filles les soirs de fête, le pauvre Dalmat ne méritait sans doute pas ça. Après tout, même si elles sont marquées du lion sochalien, on ne tire pas sur les ambulances…
Dalmat, dernier philosophe moderne
Seulement voilà, une fois de plus, Dalmat n’a pu s’empêcher de faire le malin… Et c’est donc armé de sa carte de fidélité Gold-PowerMax de chez les Déménageurs Bretons qu’il s’est permis de juger Ludovic Giuly dans une interview donnée mardi dernier à France Football. Grossière erreur…
Giuly ? Je ne suis pas fan. Je ne l’ai jamais été, même lors de ses meilleures saisons à Monaco. Il y a beaucoup de joueurs plus talentueux que lui qui n’ont pas une aussi grosse cote. […] Quand je voyais le débat sur sa non-sélection, je rigolais. Avec Mexès, oui. Pas avec lui ! Entre Giuly et Govou, il n’y a pas photo. (France Football, 19 août 2008)
Il faut dire que quand il s’agit de juger son prochain, Dalmat possède tout de même une légitimité inébranlable. Du coup, il se montre toujours partant, quel que soit le sujet. Vous pouvez lui poser des questions sur les milieux droit en équipe de France, ou sur l’esthétisme du polyester dans la mode masculine, pas de souci, Dalmat y va :
Pour les hommes, je pense que David Beckham incarne l’élégance. C’est le fantasme de beaucoup de femmes d’ailleurs ! Même en tant qu’homme, je trouve qu’il pourrait s’habiller en survêtement, il aurait toujours la classe ! Girondins.com, 30 mai 2007
Touche à tout de génie, l’ancien Berricho-Lenso-Marseillo-Parisiano-Intero-Tottenho-Santandero-Toulouso-Bordelais est forcément fondé à donner son avis d’expert. Ce qui lui permet d’assumer ce statut d’intellectuel ? Une culture générale à toute épreuve, que Dalmat avoue travailler quotidiennement, et auprès des plus grands penseurs de notre époque.
Je regarde toutes les émissions comme Sans aucun doute, Ca se discute, Confessions intimes ou les jeux télévisés. Je pense qu’en fin de compte, même si ces émissions ne sont pas très intellectuelles, elles reflètent des étapes de la vie. Cela peut m’aider. Girondins.com, 30 mai 2007
Oui, vous l’aurez compris, bien plus que le footballeur, c’est Dalmat l’humaniste, Stéphane le lettré que Paris devra affronter samedi prochain. Cet homme tourné vers son prochain, humble et généreux, qui sait vivre de plaisirs simples, se plait à cultiver ce qu’il y a de meilleur en l’Homme. Tel le moine bouddhiste qu’il aurait pu être s’il avait été bouddhiste — et moine —, le Sochalien passe son temps à travailler sur lui-même pour progresser, s’élever vers cet idéal de sagesse qui lui permet ensuite de déblatérer sur les autres.
Je me balade en voiture décapotable quand il fait beau. J’ai un coupé Mercedes et un 4x4 américain. J’écoute du rap en décapotable, mais je ne frime pas. […] Oui, j’aime m’occuper de moi. Y a pas de honte. Je me rase le corps, je m’occupe de mon crâne, que je rase moi-même. L’Humanité, 14 décembre 2004
Dalmat rase son crâne lui-même… Il y a de quoi être bluffé, non ? C’est pas Giuly qui en ferait autant…
Peut-on comparer Dalmat et Giuly ?
- Invité à réagir, Giuly essaie de se souvenir de Stéphane Dalmat
- Photo PSGMAG.NET
D’ailleurs, comment pourrait-on comparer les deux hommes ? Les carrières de ces footballeurs, leur poids respectif dans le football international, tout avantage Dalmat : le Sochalien possède tout de même un palmarès éloquent, comptant pas moins de deux coupes de la Ligue, dont une remportée avec Bordeaux sans avoir disputé le moindre match. Et à part ça, rien… Mais quand même : ça vous classe un bonhomme cette coupe de la Ligue gagnée en 1999 avec Lens !
C’est pas Giuly et ses trois titres nationaux (un avec Monaco, deux avec le Barça), ses deux finales de Ligue des Champions (dont une gagnée avec Barcelone), sa supercoupe d’Italie (entre autres titres) et ses sélections en Équipe de France qui pourrait en dire autant. Au vu de leurs trajectoires respectives, on comprend que Dalmat se trouve légitime quand il s’agit de critiquer le jeu du Parisien.
Il faut dire que dans la vie, Dalmat a toujours eu de la chance : les fées se sont penchées au-dessus de son berceau. Par exemple, sans mauvais jeu de mots, son transfert depuis le Paris Saint-Germain à l’Inter s’est quand même joué sur un sacré coup de plot.
Un jour, à l’entraînement, Luis Fernandez a demandé aux jeunes, excepté moi, Anelka et Luccin, de ranger les ballons et les plots. Quinze jours après, sans raison, il m’a ordonné de le faire. Je lui ai dit : « pourquoi maintenant ? ». Je me suis un peu emporté car je trouvais que c’était une injustice. J’étais jeune et, aujourd’hui, je regrette ces propos. Maxifoot, 26 janvier 2004
Quoi ? Regretter ces propos ? Non, surtout pas : ne lâche rien Stéf. Il ne sait pas à qui il parlait l’autre là ! À Stéphane Dalmat ! Le mec qui frime même pas quand il roule en 4x4 ! Évidemment que c’était une injustice : on ne va pas vous demander de ramasser des plots alors que la fois d’avant on ne vous l’avait même pas demandé : c’est fou ça… De toutes façons, tout le monde est contre Stéphane. Comme ces gens qui, sous prétexte qu’il a changé huit… euh non, neuf… ah, zut, dix fois de club en dix ans, l’accusent d’être instable :
C’est vrai que je trimbale cette réputation depuis quelques années déjà. […] Changer de club presque tous les ans, cela n’aide pas non plus… Mais si je partais à chaque fois, c’est parce que cela en valait la peine, qu’il s’agissait d’opportunités qui ne se refusaient pas. J’ai peut-être commis une erreur en signant à Santander en 2005, c’est vrai… L’Équipe.fr, 9 mai 2008
Alors que la saison à 13 matches à Bordeaux, ça en valait la peine, pour reprendre tes propos ? La progression qui t’a vu passer de l’Inter à Tottenham puis à Sochaux en quatre ans, voilà tes opportunités qui ne se refusaient pas ? Qu’après cela il reste des gens mal intentionnés por remettre en cause l’équilibre du nouvel ami du PSG, ça laisse rêveur…
Plus cohérent que Dalmat, tu meurs
Instable Dalmat ? Et pourquoi pas feignant et fêtard tant que vous y êtes ? Le gamin a toujours été prêt à tous les sacrifices pour réussir. En ce qui concerne l’entraînement invisible comme pour le reste, il a des leçons à donner à tout le monde :
Je reconnais que Luis Fernandez avait raison. Si c’était à refaire, je referais autrement. Je n’étais pas suffisamment sérieux. Faut comprendre, j’avais vingt et un ans, de l’argent. Paris la nuit, ça donne envie. J’ai des regrets. Je n’ai pas la même vision des choses. J’ai perdu du temps, c’est sûr. Il y avait du laisser-aller dans mon jeu et ma vie privée. Je n’étais pas assez professionnel. L’Humanité, 14 décembre 2004
Après ça, on comprend qu’un professionnel aussi fiable se permette d’expliquer que Giuly n’avait pas sa place en équipe de France : Dalmat au moins il a une légitimité. Le seul souci, c’est qu’il accorde aux gens une crédibilité variable : si Fernandez avait raison quand il en parlait en 2004, les choses avaient un peu varié quatre ans plus tard :
Si Luis a été un grand entraîneur, je trouve qu’il est petit en balançant dans un bouquin sur des joueurs des choses pas forcément vraies… Mais je n’ai même pas envie de m’attarder là-dessus… L’Équipe.fr, 9 mai 2008
Luis a raison, puis tort. Ou le contraire. Et réciproquement d’ailleurs… Pas très cohérent Stéphane ? En ce qui concerne ses relations avec le Paris Saint-Germain, ça semble clair. Mais attention, quand on évoque l’Équipe de France pour savoir si Giuly méritait ou pas, là, c’est du sérieux. Faut dire que les Bleus, avec ses zéro sélection, Dalmat il connaît. D’ailleurs, le Sochalien se sent très proche des centres d’intérêt du sélectionneur.
Les horoscopes ? J’en lis régulièrement. Cela ne prédit pas forcément la semaine que je vais vivre mais, sur certains points, j’y crois. Girondins.com, 30 mai 2007
Ah, fan d’astrologie ! C’est pas une caution ça ? Alors autant vous dire que pour ce qui est de savoir ce que Raymond Domenech avait exactement en tête au moment de nous jouer le remake suisse de la célèbre comédie britannique Zéro mariage et trois enterrements, vous comprenez maintenant que Dalmat puisse se sentir sûr de lui. Non mais.
En fait, Stéphane est un visionnaire. Voire un mystique. Parfois ses déclarations le dépassent d’ailleurs un peu. Sans même y prendre garde, il peut asséner des vérités profondes. Des propos qui peuvent heurter sur le moment, mais qui s’avèrent des années plus tard étonnamment justes. Parce que les génies dépassent le commun des mortels, ils ont besoin de plus de temps que les autres pour être compris. Tenez, prenez par exemple cette citation :
Pour le moment, je ne suis rien. Juste un jeune joueur de D1 qui se montre. Je n’ai rien gagné, rien prouvé. L’Humanité, 17 septembre 1998
Avouez que dix ans après, le discours reste saisissant d’actualité, non ? Si c’est pas inouï ça, d’avoir une décennie d’avance sur tout le monde… et surtout sur soi-même. Fort. Très fort même ! Voire un peu émouvant, comme la phrase suivante, tirée du même entretien :
Je veux être quelqu’un et entrer dans la légende. L’Humanité, 17 septembre 1998
C’était en 1998. Et voilà comment en 2008 on se retrouve enterré à Bonal, forcément un peu aigri, obligé de balancer sur les collègues qui eux ont réussi une belle carrière dans l’espoir de faire la une du journal. Oui, pour certains, c’est moche la vie de footballeur.