Sans revenir à nouveau sur la passe d’armes entre Gourcuff et Kombouaré, deux hommes qui seront eux aussi jugés pour leur attitude dans cette affaire [1], il est temps de répondre le plus objectivement du monde aux questions que tout le monde a cru bon de poser suite aux propos de papa Gourcuff.
Makelele a-t-il un jeu dur ?
Oui. Il arrive que Makelele donne des coups. Il arrive aussi que le capitaine du PSG fasse preuve d’une certaine roublardise. Et enfin, dans ses interventions, le milieu parisien n’hésite pas à y aller franchement, réalisant par là même certains gestes dangereux. Maintenant, cela fait-il de Makelele une exception ? Il joue milieu de terrain défensif, sentinelle devant sa défense. C’est dans cette zone du terrain que les duels sont les plus âpres, que les ballons sont les plus disputés. Le football est un sport de contact ; forcément, lors des affrontements les plus intenses, ces contacts peuvent parfois être très limites.
Dès lors, il n’y a pas de mystère : un joueur qui joue à ce poste-là recevra un paquet de coups plus ou moins volontaires, et en mettra aussi, s’il veut éviter que son équipe ne se fasse marcher dessus. Il s’agit d’une conception du football que l’on peut déplorer… mais qui ne concerne pas que Makelele. Il n’y a donc aucune raison que seul l’ancien Nantais prenne pour tout le monde : les Diarra, Mbia, Balmont sont des joueurs qui eux non plus n’hésitent pas à mettre la semelle. Makelele n’est ni plus ni moins agressif qu’eux. Si on veut faire le procès du jeu de l’ancien international, il faut le faire pour tous les joueurs qui évoluent à son poste.
Mais il ne faut pas faire les vierges effarouchées devant la dureté de certaines interventions : les milieux de terrains rugueux ont toujours fait partie intégrante du football, Makelele ne diffère en aucun cas de la norme. Après, est-ce que la norme est bonne ? C’est un autre débat.
Makelele est-il trop vieux ?
Un corollaire des propos de Gourcuff a été d’insinuer que si Makelele était aussi violent, c’était parce qu’il était en fin de carrière, et n’avait donc plus d’autre solution pour ne pas être dépassé.
Mais tout ceci est aberrant. Makelele a toujours eu un jeu dur, fait entre autres de tacles et parfois de fautes. Que beaucoup semblent le découvrir maintenant prouve bien l’hypocrisie de la chose. Quand le joueur était au Real, à Chelsea ou en équipe de France, personne ne trouvait à y redire. Pourtant, il s’agissait bien du même joueur qui n’hésitait jamais à aller au duel, quitte à blesser ou à se faire blesser. En équipe de France, il était décrit en termes élogieux : il s’agissait du soldat de l’ombre qui faisait le sale travail pour faire briller Zidane. Et l’unanimité était de mise pour louer cette attitude. Ce qui passait pour de l’engagement presque salutaire pour la nation, est donc devenu une attitude digne de la pire ignominie dès que le joueur a porté un maillot rouge et bleu.
L’âge de Makelele n’a en fait rien à voir avec la dureté de son jeu : il a toujours été comme ça, et il ne faut évidemment pas s’attendre à ce qu’il change maintenant. Son niveau de jeu est peut-être en légère déclin — à 36 ans, cela peut sembler cohérent —, mais en aucun cas Makelele n’est en bout de course. Son match contre Lyon, il y a deux semaines, en est la preuve éclatante.
Combien de joueurs ont été victimes de Makelele ?
Là, il s’agit d’une question ouverte. Nous n’avons pas la réponse. Les éditorialistes [2] et supporters qui s’en prennent au capitaine parisien n’ont de cesse de certifier que depuis son retour en France, Claude Makelele multiplie les agressions. Nous invitons sincèrement ceux qui avancent ces propos à nous mentionner ces actes illicites en question.
Nous pouvons donc énumérer son geste contre Diarra, le tacle l’an dernier sur Benalouane — qui a valu à Makelele deux matches de suspension — et des fautes grossières à Saint-Étienne également. Gourcuff a prétendu que Makelele avait blessé Saïfi l’an dernier lors de PSG-Lorient. L’émission Les Spécialistes a remontré les images : il s’avère en fait que suite à un tacle de Makelele — très engagé, mais pas forcément sanctionnable —, Saïfi a voulu marquer la faute en effectuant plusieurs tonneaux. Il s’est fracturé la clavicule, mais on peut difficilement imputer à Makelele le fait qu’un tacle avec les deux pieds au sol finisse par cause des dégâts dans le haut du corps… Bilan, il nous est difficile de nous remémorer autant d’agressions grossières que l’on veut bien nous faire croire. Si nous sommes dans l’erreur, nous prions nos lecteurs les plus attentifs de rectifier le tir en citant des actions de jeu bien précises ; en attendant, cette liste ne nous paraît pas excessive pour un milieu défensif.
Enfin, comme il a été dit plus haut, Makelele fait des fautes, assez régulièrement, et certaines sont loin d’être jolies. Nous vous livrons son bilan chiffré depuis son retour en France [3] : en 42 matches, il a effectué 56 fautes, a encaissé 11 cartons jaunes — dont 5 sur ses cinq premiers matches — et a subi 72 fautes. Une fois de plus, ce bilan chiffré ne présente absolument rien d’alarmant.
Makelele aurait-il dû être expulsé contre Lorient ?
Il aurait pu. Il fait clairement un geste dangereux en mettant le pied aussi haut, et aurait pu blesser un joueur. Le carton rouge aurait donc pu être sorti sur cette action, sans que cela ne soit scandaleux. Saïd Ennjimi a estimé à chaud comme à froid, que son geste, aussi dangereux soit-il, ne méritait pas cette sanction… Il y a donc débat [4].
Toutefois, il convient de nuancer nombre de jugements émis à l’emporte-pièce, et qui qualifient ce geste d’agression et insinue une intention de faire mal sur ce geste. Sans exclure cette possibilité — nous avons la faiblesse de reconnaître que nous ne sommes pas dans la tête du joueur, faiblesse que nombre d’éditorialistes n’ont pas —, il faut préciser, au regard des images, que ce geste peut être le résultat d’une simple maladresse, et d’un geste mal maitrisé, sans être forcément un attentat.
Makelele ne regarde que le ballon sur cette action, et viser sciemment la hanche d’un adversaire dans ces conditions relève du miracle. On peut s’interroger dans ce cas sur le fait que Makelele lève la jambe. Rappelons que Makelele sautait vers l’avant, et qu’il est dès lors très difficile de garder les jambes parfaitement rectilignes après une impulsion. Que les jambes se baladent et soient source de mouvements mal maîtrisés n’est pas surprenant [5].
Il n’est donc pas question de nier le caractère dangereux du geste, ni même la possibilité de l’exclusion, mais juste de rappeler qu’une agression induit une intention qui n’est pas si évidente dans ce cas précis.
Est-il juste que Makelele soit convoqué par la LFP ?
Dans l’absolu oui. Si la LFP se lance dans une campagne visant à bannir les mauvais gestes, convoquer Makelele quitte à le suspendre est parfaitement cohérent. En revanche, ce qui est inconcevable est qu’une fois encore, le Parisien soit le seul joueur à être entendu.
Durant ce même Lorient-PSG, n’en déplaise à Christian Gourcuff, il y a eu des tacles également très dangereux de la part de Lorientais : Koscielny a taclé Luyindula au tibia, puis a écrasé la cheville de Makelele, et Amalfitano a taclé Luyindula des deux pieds. Ces trois gestes auraient pu valoir un rouge à leur auteur. Si l’on convoque Makelele pour une trop grande clémence de l’arbitre — suite à une saisie de la commission de visionnage —, cela aurait dû être le cas pour les deux Merlus.
De la même manière, lors de cette 7e journée de championnat, Chamakh a mis un coup de pied dans la tête de Bocanegra. De façon involontaire certes, mais dans un geste qui relève du même ordre de dangerosité que celui de Makelele. Idem pour un pied de Souleymane Diawara dans la poitrine de Samassa. Là encore, une forme de cohérence aurait valu à ces joueurs d’être également convoqués par la LFP. Et il faut bien préciser que nous n’avons pas pour vocation de regarder tous les matches des autres équipes : le nombre de gestes similaires est peut-être bien plus important encore.
Dans ces conditions, même si l’on veut être beau joueur et admettre que Makelele est allé trop loin, la pilule est bien dure à avaler. Si l’on veut punir les fautifs, très bien, mais que l’on n’en punisse pas qu’un seul, quand bien même serait-il celui dont on a le plus entendu parler.
Gourcuff a-t-il réussi son coup ?
En un mot comme en cent : oui. Il est clair que sans son intervention médiatique, personne ne serait revenu sur cette action de Makelele, un duel qui tourne mal, comme il peut y en avoir tant sur une seule journée de championnat. Pourtant, en se servant de sa réputation de coach fin connaisseur, et des micros tendus par une presse avide de polémiques, Gourcuff a évacué sa frustration en créant de toutes pièces un débat illégitime sur un joueur pas plus fautif qu’un autre.
Et il n’y a pas besoin d’être très perspicace pour savoir que ce genre d’emballement médiatique ne profite que rarement au PSG. Si l’on avait voulu embarquer le club parisien dans une polémique inutile, et nuire à un joueur, on ne s’y serait pas mieux pris. Gourcuff a de plus fait coup double : un joueur sera probablement suspendu, et un entraîneur caractériel qui jusque-là se tenait plutôt bien a fini par sortir de ses gonds. La ficelle est grosse, et pourtant, elle reste invisible aux yeux de beaucoup qui s’engouffrent dans la polémique sans y réfléchir à deux fois.
Au final, avant même de connaître le verdict, il reste la sale impression de revivre un scénario bien trop connu : une médiatisation outrancière d’un fait de jeu pourtant fréquent, une commission qui veut faire illusion dans sa sévérité, et le PSG qui finit lésé. La seule inconnue reste la posture que va prendre le PSG face à ça. Cayzac avait toujours essayé de rester digne et beau joueur face à ce genre d’événement, ce qui ne lui avait pas réussi. Bazin avait affirmé vouloir être vigilant face à ce genre de dérive, il n’en a rien été. Ne rien dire n’apporte donc strictement rien. Espérons que la nouvelle direction du PSG tente cette fois-ci de mettre en évidence le manque total d’impartialité — les arguments ne manquent pas — d’une commission supposée indépendante.