Le milieu de terrain a été formé à l’AS Nancy-Lorraine, et a été lancé dans le grand bain par Aimé Jacquet en 1990. Après six années passées essentiellement en D2 — dont une année impressionnante où le joueur atteindra le surprenant total de 16 buts —, le joueur a pu se faire remarquer en première division lors de la saison 1996/1997, sans toutefois empêcher son club de redescendre à l’étage inférieur. Il est temps pour celui qu’on surnomme Rabé de partir, et il choisit le PSG, club qui ne lui promet pourtant pas une place de titulaire.
1997/1998 : Rabé fait son trou au PSG
Dans l’esprit de beaucoup, ce joueur au patronyme difficile à retenir n’est là que pour étoffer l’effectif, et cela se confirme rapidement : sur les douze premières journées de championnat, Ricardo ne le fait jouer qu’une quinzaine de minutes. Mais l’amie éternelle du PSG, à savoir la commission de discipline de la LFP, passe par là et attribue une lourde suspension à Paul Le Guen [1]. Une place se libère donc au milieu de terrain, et Rabesandratana a l’occasion de prouver sa valeur en enchaînant les titularisations. Là encore, ses premiers pas dans l’entrejeu se font en toute discrétion : à cette même époque, l’effectif parisien est décimé par les blessures et suspensions. L’entraîneur Ricardo est donc obligé de lancer de nombreux jeunes – Ducrocq, É. Cissé et Kelban – qui tirent toute la couverture, et personne ne guette réellement les performances de l’ancien Nancéen.
Pourtant, il assure l’intérim de Le Guen avec brio, marquant même trois buts décisifs – dont l’un en Ligue des Champions à Göteborg. Son jeu de tête diablement efficace commence à être reconnu. Mais étrangement, ce qui va faire rentrer le nom de Rabesandratana dans l’esprit des gens est un incident d’un tout autre genre. Lors d’un PSG-OM, il est le premier spectateur du fameux auto-croc-en-jambe de Fabrizio Ravanelli… et donc le fautif aux yeux de l’arbitre. L’image de ce grand gaillard au bouc et à la queue de cheval — loin des looks habituels des footballeurs — levant les bras, éberlué devant le plongeon grotesque de l’Italien, est rediffusée en boucle. Notamment par Charles Biétry qui aura le culot d’affirmer l’existence d’une faute de Rabé sur cette action, après avoir déroulé des kilomètres de bande… Mais il s’agit d’un autre sujet.
Une fois la suspension de Le Guen terminée, le Franco-Malgache ne sort pas pour autant de l’équipe. Il a en effet un bel atout dans sa manche : sa polyvalence. Son sens du placement lui permet de jouer aussi bien milieu défensif que défenseur central, et les méformes de Bruno N’Gotty — plus vraiment concerné une fois son futur transfert à Milan conclu — et de Vincent Guérin — perturbé par des accusations de dopage — lui permettent de jouer très régulièrement, et de participer activement au doublé coupe de France / coupe de la Ligue obtenu par les Parisiens.
1998-2000 : le patron de la défense parisienne
Pour sa deuxième saison au club, l’inquiétude est de mise. Rabesandratana n’est pas considéré comme un titulaire à part entière, et le nouveau président Charles Biétry remplace les vieilles gloires parisiennes par de supposés cadors : Goma et Wörns en défense, Bruno Carotti au milieu de terrain. L’ancien Nancéen s’apprête donc à devoir encore batailler pour gagner sa place. Ce qu’il réussit une fois de plus : Carotti est très décevant – expulsé pour son premier match – et l’éphémère entraîneur parisien Alain Giresse préfère titulariser Rabé en milieu défensif. Les matches de l’équipe ne sont toutefois pas bons et Giresse s’en va, remplacé par Artur Jorge. Le coach portugais a confiance en Rabesandratana, mais il élabore une tactique très défensive : une défense à cinq éléments est mise en place, et le natif d’Épinay-sur-Seine joue libéro. Ceci marque d’ailleurs la reconversion définitive du joueur au poste de défenseur. Ses performances sont bonnes ; on ne peut pas en dire autant des deux joueurs qui sont devant lui, Goma et Wörns, qui ne semblent définitivement pas fait pour s’entendre. Artur Jorge finit par être renvoyé à son tour, et c’est au tour de l’entraîneur des gardiens, Philippe Bergeroo, de prendre la relève.
Il décide de repasser immédiatement à une défense à quatre, et brise enfin l’association Goma-Wörns : le premier sera arrière gauche, et le second devra faire équipe avec Rabesandratana. La défense prend une meilleure allure, et permet d’obtenir quelques succès qui permettent de finir cette saison éprouvante sans trop de heurts. Toutefois, dans ce dispositif, le seul qui convainc réellement est bien Rabesandratana. Lors du mercato estival qui suit, Goma et Wörns sont transférés, et Bergeroo décide de construire son secteur défensif autour de l’ancien Lorrain.
Le problème rencontré par le coach parisien sera finalement de devoir trouver un partenaire de charnière centrale adéquat. Lors de la saison qui suit, Bergeroo lui associe en effet divers joueurs — Godwin Okpara, Cesar puis Talal El Karkouri dans l’urgence — sans qu’aucun ne fasse l’unanimité. Mais Rabé reste le patron, et même si le secteur défensif n’était pas le force du PSG 1999/2000, ses performances sont reconnues et appréciées. Au sein de l’équipe qui termine vice-championne de France, il apporte son sens du placement, son calme, et comme toujours son impressionnant jeu de tête. À tel point qu’en fin de saison, il fait partie de l’équipe-type de D1 élue par les joueurs eux-mêmes : il s’agit même du seul Parisien présent dans cette formation fantasmée. D’ailleurs, certains supporters parisiens, pas peu fiers de leur joueur, suggèrent même qu’à la suite de la future retraite internationale de Laurent Blanc, Rabesandratana serait le successeur idéal…
2000/2001 : le début de la fin
À l’aube de sa quatrième saison dans la capitale, le joueur est donc au top de sa carrière. Cela se couple avec une belle récompense : Bergeroo décide de changer de capitaine à l’intersaison. Il n’est plus satisfait d’Ali Benarbia — l’épisode de la négociation des primes de matches, la veille de la finale de coupe de la Ligue perdue face à Gueugnon, n’a pas dû aider —, et la solution que tout le monde trouve naturelle est de donner le brassard à Rabesandratana. Il a alors 27 ans, joue défenseur, et est au club depuis trois saisons — ce qui est assez long vus tous les changements de l’époque —, en résumé, toutes les caractéristiques idéales.
Mais le cadeau est empoisonné, et Rabé devient le capitaine de la fameuse équipe du PSG « génération banlieue », faite de joueurs à la mentalité douteuse, qui plus est dans un PSG jouant la Ligue des Champions, et dont tout le monde attend monts et merveilles. Les résultats sont plutôt bons au début, de par certaines individualités, mais l’on pointe du doigt assez vite le manque de liant collectif et, de fait, l’absence de réel socle défensif. Rabesandratana reste donc impuissant devant le délitement progressif de son équipe, et surtout devant la défiance dont certains font preuve à l’égard du coach, que lui apprécie. Il ne peut donc rien quand, un soir de novembre, certains joueurs décident d’encaisser une sévère défaite à Sedan (5-1), précipitant le départ de Bergeroo et entérinant le retour de Luis Fernandez.
Au début, Rabé continue à jouer, mais très vite, Fernandez préfère imposer ses hommes. Au bout de quelques mois, c’est Pochettino qui devient le vrai leader de défense. Il est souvent associé à Déhu, que le nouveau coach parisien a fait redescendre d’un cran. Rabesandratana sort peu à peu de l’équipe, à tel point que fin mars, deux mois avant la fin de saison, il joue son dernier match pour le PSG au cours d’une défaite à Bordeaux.
À l’intersaison suivante, il est prié de se trouver un club. Fernandez le met à l’écart et lui interdit de partir en stage avec le groupe principal. Celui qui était capitaine un an plus tôt fait désormais parti des bannis. Petite parenthèse pour préciser que lors de ses émissions radios, Luis Fernandez n’a eu de cesse de s’en prendre à Vahid Halilhodzic sous prétexte que celui-ci n’avait pas respecté le travail de son prédécesseur, à savoir lui-même. Le comportement de Luis à l’égard de Rabesandratana montre qu’il a peut-être lui aussi appliqué les dérives qu’il dénonce… Disons qu’un joueur ayant passé quatre ans au club aurait sans doute mérité mieux qu’une mise à l’écart si violente.
De la Grèce à la Belgique, sans s’imposer
Quoi qu’il en soit, le défenseur central doit trouver un point de chute, et le début des galères commence. Il rejoint l’AEK Athènes, où il se retrouve très vite en conflit avec une direction que Rabé qualifiera après coup de « mafieuse » [2]. Son président refuse de lui payer certains de ses salaires, au prétexte fallacieux d’un manque de forme, et l’ancien Parisien porte l’affaire devant la Fifa. Ceci gèle temporairement sa carrière puisque, en attente de son règlement, Rabesandratana ne peut plus jouer.
Il doit finalement attendre le début de la saison suivante pour pouvoir s’engager avec un nouveau club, et il répond favorablement à l’appel d’un des ses anciens camarades parisiens : il rejoint Jimmy Algérino en D2, à la Berrichonne de Châteauroux. Il joue deux saisons là-bas, sans marquer le club outre-mesure. Il finit même en conflit avec l’entraîneur Victor Zvunka : lors de la finale de coupe de France 2004, face au PSG, il ne figure même pas dans le groupe défait.
Rabé doit donc rebondir à nouveau et repart à l’étranger, en D2 belge au RAEC Mons. Il joue plusieurs saisons outre-Quiévrain, et participe activement à la montée du club en première division. Mais le poids des ans finit par se faire sentir, et au fil du temps, il perd sa place de titulaire. À tel point qu’en 2007, son contrat n’est pas renouvelé, et malgré des appels du pieds adressés aux clubs français, il décide de mettre un terme à sa carrière. Non sans être devenu peu de temps avant international malgache : ayant cru pendant longtemps pouvoir rejoindre les Bleus — il a joué en équipe de France espoirs —, il ne s’était pas précipité pour solliciter la fédération de Madagascar. Une fois décidé à rejoindre la sélection de ce pays africain, les démarches de naturalisation ont pris plus de temps que prévu, et il n’aura finalement pu jouer qu’un seul match au sein de cette sélection.
Depuis, Rabesandratana tente une reconversion discrète : il a passé divers diplômes d’entraîneur et s’occupe pour l’instant des 18 ans du club de Saint-Émilion en Gironde, en espérant mieux dans un futur proche. À 37 ans, il est encore un jeune entraîneur.
La carrière de joueur de Rabesandratana s’est donc achevée il y a peu. Au PSG, il aura été un joueur sérieux, qui ne faisait pas de vague, mais qui sur le terrain était toujours fiable. Surtout, le passage de Rabé prouve que le PSG n’est pas qu’un club de stars, contrairement à certaines idées reçues. On peut arriver sur la pointe des pieds, gagner sa place et devenir capitaine, en enchaînant les performances solides. Rabesandratana fait ainsi partie de ces joueurs qui vont à l’encontre d’un cliché usuel : si l’on parle surtout des joueurs qui réussissent partout sauf à Paris, d’autres n’auront finalement été excellents qu’au PSG, comme Laurent Leroy, Jimmy Algérino ou Fabrice Fiorèse [3]. Éric Rabesandratana est un de ceux-là.