Jeune Padawan des tribunes, sache que s’il y a une bonne leçon à apprendre pour survivre au PSG, c’est qu’amener une petite amie étrangère au monde du football au stade est tout sauf une bonne inspiration. Pourquoi, me demanderas-tu avec ta candeur juvénile ? Mais parce que si tu viens au Parc avec ta fiancée qui n’y connaît rien, tu vas passer une soirée pourrie, tout simplement !
Pour commencer, prépare-toi psychologiquement à faire une croix sur ton kebab porte-bonheur. Mais si, tu sais bien : celui que tu prends toujours avant les matches, même à 17h, depuis que le PSG a commencé sa série de 6 victoires consécutives à chaque fois que tu le manges. À la place, elle te préparera de minuscules sandwiches, que tu pensais même pas que c’était possible de couper du pain aussi fin. Il aura été tranché amoureusement certes, mais bon, c’est pas ça qui nourrit son homme quand même… Un conseil : surtout, ne pas demander où sont ses sandwiches à elle après avoir ouvert le paquet ; les quatre pauvres morceaux coupés en diagonale qu’elle t’a fournis étaient bien prévus pour vous deux. Allez, vois le positif : à toi le régime sain et équilibré ! Un délicieux pain-concombre, sans sel parce que sinon ça fait grossir, qu’après ça comparé à toi même Gignac aura jamais autant rêvé de se farcir un bon kebab rassis aux frites huileuses. Et en ce qui concerne la petite bière d’avant-match, ceinture aussi, vu que venir avec sa copine rime avec arriver au Parc limite en retard. C’est que les horaires des Frères Scott, série insoutenable pourtant suivie par la quasi totalité de la gente féminine hermétique au football, et diffusé le samedi en fin d’après-midi, sont incompatibles avec un départ permettant d’éviter les ralentissements et autres files d’attente…
Après cela, c’est le grand classique : séparé de ta petite amie partie dans la file des femmes, toujours plus rapide que celles des hommes, tu tombes sur le steward modèle consciencieux. Le seul qui regarde dans le sac. Eh oui, le fameux sac à pique-nique qui fout bien la honte, et que tu t’es traîné depuis le départ… Seulement comme tu n’as rien préparé, espèce de feignant, tu ne t’es pas rendu compte qu’il contenait une bouteille d’eau minérale, toute neuve, et fermement bouchée. Le steward s’arrête donc, limite choqué, et te regarde comme si tu avais annoncé à un douanier américain vouloir transporter une bonbonne de gaz et trois cutters dans un Boeing en partance pour New-York. Et là c’est le drame : tu te tapes le discours spécial neuneux. Les dangers des projectiles, la loi républicaine, la masse de la bouteille remplie d’eau, le respect des consignes de sécurité, les différentes trajectoires paraboliques, Ec=1/2 m.v2, « maintenant je vous confisque le bouchon et estimez-vous heureux de ne pas avoir droit à une fouille anale, allez hop, au suivant ! »
Après ça, petit Parisien, évite de nous faire une Nenê face à un arbitre peu conciliant : tente de contrôler tes nerfs, et de fermer ta bouche. Tu n’as rien à gagner à parler. Parce que oui, ta copine te demandera pourquoi tu as fait exprès d’être aussi long, alors que franchement, tu savais très bien qu’elle avait envie de faire pipi, c’est pas possible d’être égoïste comme ça tout de même… Tu es déjà en retard, t’agiter une bouteille ouverte à la main risque juste de nuire à ton opération séduction Supporter le Paris Saint-Germain est une occupation saine et éducative, laisse-moi y aller match après match, alors pitié, garde le silence. Et cherche plutôt des toilettes, vu que sinon tu risques de rater l’intégralité de la première mi-temps.
Bref, voilà comment on se retrouve debout devant la porte des WC pour dames, passant pour un gros pervers, une bouteille sans bouchon à la main, avec pour mission de ne pas en renverser une goutte, parce que sinon on va avoir soif.
À ce stade tu seras déjà à bout, et pourtant le supplice ne fait que commencer : c’est avec le match que débarquent les problèmes sérieux. Accompagné de ton amie pour la première fois, un doute peut t’envahir… C’est qu’il faut garder à l’esprit qu’aujourd’hui la mission du PSG c’est les trois points, mais la tienne c’est de convaincre Wendy que le Parc des Princes est un lieu hyper fréquentable, et le football une chose sérieuse, un sport d’artistes s’adressant à des connaisseurs éclairés. Évidemment si vous débarquez tous les deux à Boulogne pile au moment où un sympathique supporter émet des doutes quant à la virilité d’un arbitre-assistant, c’est raté. Mais de toutes façons, le principal risque d’échec, c’est toi, frétillant Parisien. Toi et ton comportement habituel. Parce que tu vas rester sous l’œil de la Sainte Inquisition pendant toute la rencontre. Rien ne passera au travers : hors de question de lever le majeur en hurlant des obscénités à l’encontre du stoppeur adverse, qui pourtant le méritait, vu qu’il est adverse… Interdiction totale de critiquer le régime alimentaire de l’entraîneur d’en face, même s’il a pris 30 kg depuis qu’il a arrêté le foot. C’est dire si la tâche s’annonce ardue. Limite irréalisable, même. Parce que la fiancée risque bien de n’apprécier que modérément ce type de comportement… Alors que c’est pourtant le minimum au Parc des Princes ! Oui, elle pourrait ensuite douter de la finesse des supporters parisiens en général, et de la tienne en particulier. Alors te voilà condamné à te mordre les lèvres à chaque décision arbitrale litigieuse, tout en essayant d’expliquer pourquoi les attaquants n’attrapent pas la balle avec la main [1].
La, dans ton kit de survie, l’arme indispensable c’est le total self-control. Bonne chance… Surtout quand arrivera le premier but. Si c’est le Paris Saint-Germain qui l’a inscrit, ta petite amie risque de se retrouver avec un gars qu’elle n’avait jamais vu auparavant en train de lui serrer frénétiquement la main, un hystérique lui hurlant derrière les oreilles plus une poignée de crétins qui lui donnent des coups d’écharpes sur le visage en les faisant tournoyer. Et toi pendant ce temps-là, au lieu de la protéger que faisais-tu au juste à sauter en l’air tel Valbuena après un tacle, inexplicablement tombé trois rangées de sièges plus bas ? Difficile de légitimer tout cela de manière rationnelle… Et encore plus difficile d’expliquer ton envie de meurtre si c’est l’adversaire du soir qui marque. Parce que c’est bien ce qui te traversera l’esprit en cas d’ouverture du score par les visiteurs !
Il faut comprendre : ça fait plus d’une heure que tu crèves de faim, de froid, tu n’as pas prononcé le moindre propos injurieux, et le PSG encaisse un vieux but de raccroc quand ton ex-fiancée, regardant son miroir de poche et se repoudrant le nez te sort dans un soupir : « ça n’est pas bien grave, ça n’est que du foot après tout… » L’amour de ta vie, que pour elle tu serais presque allé jusqu’à louper un résumé de match du PSG au Canal Football Club est ainsi brusquement devenue ton ex-fiancée. Parce que tout à coup il n’est plus vraiment question d’avenir à deux, de projets ni de quoi que ce soit avec cette espèce de pouffiasse. Elle a même carrément intérêt à prier que les Rouge et Bleu égalisent vite fait si elle ne veut pas rentrer toute seule à pied… En bref tu n’es plus tout à fait lucide et là tu risques de proférer quelques mots regrettables. Dans le feu de l’action on ne se contrôle pas toujours, mais une fois que la serrure de son appartement sera changée, qu’elle aura un nouveau numéro de portable, et se sera trouvé un copain qui ne tente pas de l’étrangler en public, lui, crois-moi tu auras bien du mal à reconquérir son cœur…
Bilan : tu avais une copine, et alors que ton plan était de la convaincre qu’il était possible d’approfondir votre relation tout en préservant ta vie de supporter du Paris Saint-Germain, tu viens de te faire larguer devant quarante mille personnes. On a du mal à faire moins intelligent, et à passer soirée plus merdique. À part en regardant jouer Nice, bien sûr. Enfin, tout ça parce que tu as commis l’erreur de l’emmener avec toi au Parc des Princes… D’ailleurs si ça se trouve c’était elle le chat noir qui a fait perdre le club ? Allez, abandonne l’idée, viens en tribunes entre potes, ça vaut mieux. Et surtout, rappelle-toi qu’au PSG, notre fierté c’est de ne jamais abandonner.