Dis-donc jeune Parigot ! Tu crois que je ne t’ai pas vu lors du match PSG-Differdange ? Tu as encore voulu faire le beau… Non, ne nie pas bonhomme, c’est trop tard, le mal est fait ! On vient avec sa copine et ses potes supporter le PSG. On choisit un match contre le club des frères Schleck histoire d’être sûr de voir Paris gagner, et quand après avoir vanté les mérites de son équipe pendant les trois derniers jours on constate qu’à la mi-temps il y a encore 0-0, on se dit que ce n’est pas ce soir qu’on impressionnera la belle par ses talents de pronostiqueur. Flûte à bec… Cruelle désillusion. Et du coup, pour se rattraper, à la première occasion on tente de prouver sa virilité en sifflant le gardien adverse.
Faute… Non mais là, je dis faute ! Alors certes, tu maîtrises parfaitement la technique du sifflage, il me faut bien en convenir. Ah, souviens-toi… Cette colonie de vacances estivale à Saint-Brézin-la-Roulotte : toi, ton maillot floqué Juninho sur le dos, parce que déjà tes goûts étaient peu sûrs, je me permets de te le dire. Et puis ta super bande de potes : c’était la mode Tecktonik… Vous en avez passé des après-midi à vous baver sur le tee-shirt fluo avant de parvenir à sortir un sifflet potable. J’image l’émotion qui t’étreint désormais à chaque fois que tu évoques ces souvenirs… Mais il faut t’expliquer quelques petits trucs.
Déjà, ta copine, que tu saches siffler, elle s’en moque. Je sais, c’est dur. Mais petit, pas la peine de vouloir l’épater avec ça ! En effet, crois-en ma longue expérience, le fait de savoir siffler un goal luxembourgeois étendu au sol ne fait pas partie des preuves de virilité qu’une jeune fille recherche chez un possible futur partenaire sexuel. Et puis entre nous, si Wendy t’a suivi jusque dans un virage du Parc des Princes, c’est que l’affaire est déjà faite : ne te fatigue pas à en rajouter, la prochaine fois que papa et maman iront au cinéma tu y auras droit à ton grand soir ! Et comme aurait pu nous l’avouer Giuly, ancien vainqueur de la Ligue des champions, tenir la coupe par ses grandes oreilles pendant qu’elle te donne du plaisir, c’est extra, mais le must c’est que ça ne marche pas seulement avec les coupes.
Parce qu’il faut bien que tu comprennes un truc, jeune supporter : ici c’est Paris ! Et au PSG, on ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi. Alors quand Pastore fonce sur le gardien adverse et l’étend pour le compte, tu ne siffles pas ! C’est complètement hors de propos… Tu vas tous nous faire passer pour des ploucs. T’es gentil, mais on n’est pas au stade du Moustoir ici : nous, au Parc, on a des principes ! Alors je suis bien d’accord qu’il n’est pas question de se montrer fair-play. Faut pas rigoler non plus. Mais quitte à se montrer désagréable, et cultiver notre réputation de public le moins aimé de France, autant le faire avec classe !
Ami acheteur compulsif de Biactol, la prochaine fois que tu vois un adversaire du PSG se tordre de douleur après qu’un Parisien lui ait écrasé la malléole, fait preuve de tact et de bon goût : entonne le célèbre chant prévu à cet effet !
À l’hôpital,
À l’hôpital,
À l’hô…, à l’hô…, à l’hôpital…
Tu vois ? Détestable à souhait, parfaitement écœurant d’antipathie. Mais franchement drôle ! Que veux-tu : l’objectif du Parisien n’est pas seulement d’être bête et méchant avec ses adversaires : ce serait trop simple ! Non, le but c’est de se rendre odieux avec classe. Et si tu aimes changer, une autre variante de ce chant. Mais à garder pour les grandes occasions ! La spéciale genoux :
Ligaments croisés,
Ligaments croisés,
Liga…, Liga…, Ligaments croisés…
Toujours du meilleur effet quand les brancardiers remportent un attaquant adverse gémissant vers le vestiaire. Surtout si c’est Tiéné qui vient de lui arracher le fémur d’un tacle que, pour ta part, tu te dois de trouver parfaitement légitime. Un joueur du PSG ne commet jamais de faute, c’est la base pour un supporter. Pendant ce temps, les petits camarades du blessé, qui accourent lui serrer la main une larme au coin de l’œil apprécieront, sois-en sûr. Testé et approuvé, ce chant est à entonner sur le même air que « À l’hôpital ». Oui, je sais, ça manque d’originalité, mais bon… Il faut le concéder, même s’il possède nombre de cordes à son arc, le supporter du PSG manque parfois de culture musicale pour les mélodies entraînantes. Personne n’est parfait.
Après cela, ami quasi-pubère, si tu tiens à tout prix à siffler un goal, c’est possible. Car après tout chacun a ses perversions, et je me garderais bien de te juger, petit fan de Pastore. Mais choisis bien ton moment : il faut que le gardien adverse soit responsable de ce que tu lui reproches. S’il a blessé un Parisien sur un contact, ce pourri, alors là fais-toi plaisir : c’est le moment ou jamais. Pareil, si le goal met plus de temps à remettre en jeu le ballon que José Anigo à déchiffrer le titre de L’Équipe, tu peux te lâcher. Mais en cas de blessure, jamais…
À la limite, si la mue de ton organe d’adolescent t’empêche de chanter juste, mais que tu souhaites profiter de l’apparition des soigneurs provinciaux pour amuser tes camarades, balance un petit : « Et n’oubliez pas de lui ramasser sa rotule, que ça ne gêne pas Nenê dans ses dribbles ! » Être au Parc n’interdit pas un petit moment de rigolade.
Alors jeune Parisien, j’espère que tu as bien compris, et que l’on ne t’y reprendra plus. Siffler un adversaire, OK, mais pas n’importe comment, fichtre ! Allez, retourne à tes saines occupations, et surtout, n’oublie jamais qu’au PSG, notre fierté c’est de ne jamais abandonner.