Lire le début d’un texte intitulé « Les pro-Le Guen cherchent le clash », c’est renifler la montagne de scoops, l’article que seul le pro de l’info sport pouvait sortir ! Sauf que voilà, Bérard oblige, si l’entame invite bien le lecteur à parcourir l’article la main tremblante, une fois passée l’intro, c’est dans un bourbier journalistique qu’il s’agit de se débattre. Dire que certains payent pour lire cela…
De l’art de la diversion
Dès le chapeau, ce court texte situé sous le titre et présentant l’article, on part sur les bases d’un record du monde : première phrase, premier assaut de démagogie. Sans doute s’agit-il dans l’esprit de l’auteur de se mettre d’emblée au niveau de ce qu’il imagine être son lectorat. Et il ne doit pas en avoir une haute estime tant la ruse est grossière. Le panneau défile lentement, en caractères lumineux : Bérard pense comme les supporters parisiens, il souffre avec eux, il compatit… Mais oui, et c’est pour mieux t’embobiner mon enfant.
Détail savoureux, s’il essaye de nous faire gober ici qu’il aurait « préféré que les Parisiens se lâchent davantage sur le terrain », en vrai bon supporter du PSG, rappelons quand même que l’auteur de l’article ne cache jamais lors de ses apparitions télévisées un amour transi pour l’Olympique Lyonnais. Mais trêve de coups bas, glissons sur cette passion coupable qui, même si elle explique une certaine nature frustrée — réflexe mimétique avec le président de l’OL oblige —, ne justifie pas pour autant les attaques qui suivent.
La violence des mots employés d’emblée par Christophe Bérard (« déversent leur fiel », « pathétique ») surprend. Il va s’agir de justifier cela autrement que par l’énorme pilule de la dernière ligne : certes, un Rothen ou un Landreau ont « des choses à se reprocher »… mais qui n’en a pas ? Bérard lui-même, n’avait-il pas été épinglé le 12 avril 2008 pour un article plus que limite sur Mamadou Sakho ? Non, Bérard non plus n’a pas toujours su éviter les quelques chausses-trappes parsemant les abords du Camp des Loges. Loin s’en faut… Alors retournons-lui le compliment, et jouons un peu à l’arroseur arrosé.
Si cet article n’était pathétique de la part d’un journaliste démago, prenant des libertés avec la vérité et traînant depuis des années quelques belles casseroles, on préfèrerait en sourire.
La première tâche de Bérard, tenter de camoufler le vide sidéral et sidérant de ce qui finalement n’est qu’un réquisitoire à charge. Est-il disciple de Sun Tzu, auteur de L’Art de la Guerre ? Difficile à dire. En tous cas, Bérard Majax maîtrise déjà comme un vrai chef les chapitres sur la diversion, et tente de mystifier son monde. Pour les trois joueurs, il commence par agiter le chiffon rouge devant les yeux du lecteur, avant de passer à ce que l’on aura bien du mal à qualifier d’argumentaire.
Par exemple, il précise tout de suite que Landreau est « auteur de jolies bourdes », ce qui est vrai, et qu’il bénéficie d’un salaire de « 140 000 € brut mensuel, beaucoup plus avec les primes ». Ce qui est peut-être vrai aussi. Mais où est le rapport avec la choucroute, à savoir le fait que le gardien du PSG soit, selon Bérard, « un menteur » ? Difficile à voir.
En revanche, ce qui est certain c’est que si le journaliste souhaitait se vautrer dans les propos de café du commerce, rayon « trop payé – mouillez le maillot », la mission est accomplie. D’ailleurs, quand une recette marche, pourquoi s’embêter à en changer ? La preuve selon Bérard que Armand est « prêt à partir » ?
Le souci avec ce genre d’attaques infondées, c’est que soit on tombe dans le panneau, et on lit la suite avec un a priori négatif sur le joueur (ce feignant sur-payé), soit on se sent obligé d’y répondre. Oui, Armand et Landreau ont sans doute les cinquième et sixième salaires du club. D’un autre côté, en tant que premier et troisième joueurs du PSG les plus utilisés en championnat, il serait plutôt injuste qu’ils gagnent moins qu’un remplaçant, non ? De plus, Armand n’est après tout que vice-capitaine du PSG, c’est dire à quel point il n’est pas un poil leader. Bien vu mon Bérard !
Quant aux sommes engagées, et l’auteur ne nous en voudra pas d’user des mêmes armes que lui, il suffira pour les mettre en perspective de rappeler que l’OM a payé par exemple Gaël Givet 163 000 € brut mensuels durant six mois… Pour un joueur dont la demi-saison a consisté à poser sept fois son fessier — scientifiquement galbé en salle de muscu — sur le banc des remplaçants, ça fait un peu cher la minute de jeu. Et encore, 163 000 €… et beaucoup plus avec les primes, comme rajouteraient certains, dans un souci de précision aussi hypocrite que mal intentionné.
Seulement voilà, tomber dans ce type de réponses fait le jeu du reporter : il éloigne du fond de l’article… qu’il faut déjà chercher à coups de Nautilus.
Rajouter une pointe de discrédit
Autre exemple de stratagème à-la-Bérard, les exagérations qui font passer le joueur pour une nullité totale, ou un demeuré. Rothen n’a pas connu une saison irrégulière, ou difficile : allons-y gaiement, elle a « oscillé entre le médiocre et le très insuffisant ». Rien que ça ! De médiocre à très insuffisant, jamais un bon match… Sauf qu’en cherchant deux secondes sur le net, et en remontant une poignée de matches en arrière, on découvre stupéfait que la cloche du Parisien ne donnait alors pas tout à fait le même son. Voici ce que l’on pouvait lire dans le joueur par joueur du journal, le 21 avril dernier :
Rothen, qui a directement participé à 30 des 74 buts de son équipe [1] toutes compétitions confondues, et ce malgré le turn-over imposé par son coach, a donc oscillé entre médiocre et très insuffisant, sauf quand il a été le « meilleur joueur de l’équipe »… Un peu comme Bérard qui, mis à part ses bons articles, écrit des textes oscillants entre le torchon et la brève de comptoir.
On pourra toujours discuter sur le fait qu’une saison ne se sauve pas sur un match, qu’il faut avoir une vision globale des performances. Certes. Alors globalisons, et n’oublions pas non plus, contrairement à M. Bérard, que Rothen avait été excellent les deux précédentes saisons, portant quasi seul un PSG moribond sur ses épaules. Si les Parisiens n’ont pas connu un destin à la nantaise, c’est en grande partie au gaucher qu’ils le doivent. Pour juger équitablement de l’apport de Rothen lors de son passage au PSG, il serait bon de ne pas regarder que le mauvais.
Autre jet de discrédit, sur Landreau cette fois :
Sans même comparer les performances de Landreau à celles d’un Mandanda coupable d’une merveilleuse série de boulettes cet hiver, en club comme chez les Bleus, la dose de mauvaise foi exigible pour taxer Landreau de parano quand il fait remarquer que la presse ne lui passe jamais rien interpelle. Il y aurait là de quoi tuer net un ou deux Courbis dans la force de l’âge.
Dernier exemple, et on pourrait continuer ainsi longtemps, quand Bérard se charge de mettre le lecteur en condition avant de lui rapporter les propos de Sylvain Armand. Objectivité, neutralité, impartialité… ou presque :
Où lisez-vous que Armand accuse la seule presse d’avoir « pourri l’ambiance » ? Au contraire, il évoque très clairement les dirigeants, et le titre même de l’article de de Macedo était d’ailleurs « J’en veux aux dirigeants » ! Le quotidien le Parisien embaucherait-il des journalistes ne sachant pas lire, en vue de participer à un vaste plan gouvernemental pour reclasser les analphabètes ? En plus de pointer ses supérieurs du doigt, si Armand se déclare lassé, et trouvait le vestiaire fragilisé, il assume aussi sa part de responsabilité et ne « cherche pas d’excuse ». Voilà les « fameux propos déroutants » que croit avoir lus Christophe Bérard ! Des propos qu’il s’est bien gardé de citer in extenso.
Était-ce par fainéantise ou parce que cela ne collait pas à son article ? Quoi qu’il en soit, le plus incohérent entre Armand et Bérard n’est pas celui qui à la base était visé.
Et cette erreur du journaliste, qui oublie toute rigueur et altère fort à propos le discours du joueur, c’est une constante dans l’article de Christophe Bérard. Sa touche personnelle en somme. Livrer de véritables citations, parler des sources ? Mais pour quoi faire ? C’est pas comme si il était journaliste après tout !
la deuxième partie : les motivations et les sources du journaliste.