Que n’avait pas fait Paul Le Guen face à Kiev, en faisant rentrer Jean-Eudes Maurice pour son premier match avec les pros ! Le score reste vierge à un quart d’heure de la fin, et voilà que le coach parisien choisit de préserver Hoarau en le remplaçant par un néophyte. L’histoire est connue : cet obstiné de tableau d’affichage allait rester muet… ce qui paradoxalement donnerait beaucoup à dire aux détracteurs du natif de Pencran.
La victoire, ou la mort !
La petite histoire veut que, avant la finale de la coupe du monde de 1938, Mussolini ait adressé un message d’encouragement quelque peu inquiétant à l’entraîneur de l’Équipe d’Italie : « La victoire… ou la mort ! »
Soixante-dix ans et deux matches face à Kiev et Lille plus tard, il semblerait que certains aient gardé une vision du football assez proche : en dehors de la victoire, point de salut. Voici par exemple ce que l’on pouvait lire sur le site de Football 365, puis dans le quotidien le Parisien :
Les statistiques donnent d’ailleurs raison aux deux journalistes, puisque d’après L’Équipe, un tiers seulement des équipes ayant concédé à domicile un 0 à 0 lors du match aller réussiraient à s’imposer après le match retour [1]. En revanche, Daniel Riolo sait quant à lui que le PSG se plait à déjouer les pronostiques, même estampillés par le principal quotidien sportif français : placés dans de telles conditions, cinq fois sur six les Parisiens s’en sont sortis la qualification en main ! Voici ce que le journaliste de RMC écrivait sur son blog :
S’il termine sur une note pessimiste, Daniel Riolo n’occulte pas une donnée essentielle : le résultat final aura son importance. D’ici là, inutile de trop se mouiller, au risque de se discréditer, comme Patrick Bonneil, du site Eurosport.fr :
Pour le journaliste d’Eurosport, la manière du PSG face à Kiev était insatisfaisante… alors que ses propres confrères du Parisien voyaient eux une bonne prestation ! La différence ? Patrick Bonneil tombe dans le panneau préféré des analystes d’après-match : il se laisse porter par le résultat et ne juge qu’en fonction de cela. Le score lui semble mauvais, donc forcément la manière l’était elle aussi.
C’est oublier ce qui fait un match de coupe d’Europe : un match souvent fermé, âpre, et enclin à se jouer sur un détail, sur une occasion… et un score que l’on ne peut juger qu’avec son pendant, celui du fameux match retour. Non, il n’est pas nécessaire de gagner 4-0 à l’aller pour passer, non tout le monde n’a pas les moyens de Barcelone, et non, Barcelone ne gagne pas la Ligue des Champions tous les ans. Les statistiques chères à ceux qui pronostiquent l’élimination du PSG devraient leur montrer qu’une bonne défense est l’un des meilleurs moyens de gagner un titre, clubs italiens et Équipe de France 1998 en tête. Nulle certitude derrière cela, mais la conjonction favorable ne peut être niée.
Attendre, et voir…
Après, il reste les sites alternatifs, pour lesquels se démarquer c’est aussi exister, comme So Foot. So Foot pour qui Paris n’a pas tout perdu face aux Ukrainiens :
D’ailleurs, si personne ne crie victoire, à en croire les premiers concernés il n’y a pas péril en la demeure. Pour le coach et les joueurs parisiens, le résultat obtenu contre Kiev n’est pas si mauvais que cela :
Décevant ? Ce n’est pas le bon mot. On a poussé jusqu’au bout, mais on est tombé sur une équipe ukrainienne qui a su gérer son match. Nous, on aurait souhaité marquer ce but qui nous aurait libéré, malheureusement… Au final, 0-0, ce n’est pas si mal. Ce qui est important, c’est de ne pas avoir encaissé de but à domicile.
On essaie de ne pas avoir de regrets. Déjà, on est contents de ne pas avoir pris de but. Si on marque là-bas, tous les problèmes seront pour eux.
On a réussi à ne pas prendre de but, c’était un premier objectif. On a eu quelques situations pour prendre l’avantage, on a réussi à les décaler quelquefois mais c’était difficile parce que c’était une très bonne équipe en face. Je ressens un peu de frustration, on a fait le match pour gagner un ou deux zéro sans y parvenir. C’est un peu décevant, mais je suis globalement satisfait de la combativité et de l’engagement des joueurs.
Alors qui croire ? Les pros du PSG ou ces journalistes qui — une fois le match fini, c’est quand même plus facile — sont capables de vous dire comment il aurait fallu faire pour le gagner ? Comme Laurent Perrin, du Parisien :
À lire les analyses de certains médias, le match nul à domicile relèverait ainsi par essence de l’occasion manquée, de la frustration. Pire, un 0-0 tiendrait lieu de preuve irréfutable d’un manque chronique d’ambition. Mais voilà, bien que placé de l’autre côté de la ligne médiane, Rudy Garcia n’est pas forcément d’accord…
Si pour le coach des Dogues, tout n’est pas à jeter dans un 0 à 0, pour Le Guen, même si Paris voit l’avance marseillaise augmenter, ce résultat serait même limite positif. Voilà ce que déclarait l’entraîneur parisien à propos du point acquis en terre nordiste :
C’est à n’y plus rien comprendre. Qui fait 0-0 joue forcément mal, manque d’ambition ou d’esprit d’entreprise, mais préserve toutes ses chances, reste au contact, et parfois mériterait de gagner… Alors ces matches nuls, qu’en penser ?
La vérité, c’est que Paris se serait bien contenté d’un ou deux petits 0 à 0 de plus ces dernières semaines. Prenez le fameux parcours théorique du champion : victoire à domicile, nul à l’extérieur. Il prouve bien que celui qui ferait 19 matches nuls dans une saison ne serait pas forcément loin du titre… pour peu qu’il gagne ses 19 autres rencontres.
Tout cela reste pourtant bien abstrait. Paris a gagné deux fois contre certaines équipes mal classées, mais il a ensuite perdu contre certains de ses adversaires directs, ce qui équilibre la chose… Pour le coup, ce PSG-OM, et ce TFC-PSG, les Parisiens auraient tout gagné à les finir sur deux bons vieux 0 à 0 ! Ils pointeraient actuellement à deux points du leader, à un point des Marseillais, et quatre unités devant Toulouse. Plus largement, il faut signaler qu’avec 17 victoires en 31 matches, le Paris SG est l’équipe qui a remporté le plus de matches en L1 cette saison, à égalité avec Marseille, Lyon et Bordeaux. Ce qui sépare Paris des trois premiers, c’est donc leur capacité à ne pas perdre des matches qu’ils ne parvenaient pas à gagner. Après Le Havre, bon dernier, le PSG est ainsi le club qui a concédé le moins de matches nuls cette saison — 5, soit deux fois moins que le leader marseillais.
Finalement, tout dépend à la fois du contexte, et de l’adversaire. Faire un nul en quart de finale de coupe d’Europe, face à une bonne équipe ukrainienne, en quoi est-ce infamant ? Quant à Lille, voilà ce que l’on pouvait en lire chez So Foot, à la veille de la venue du Paris SG :
C’est à se demander comment Paris a pu mettre en échec une machine à gagner pareille… machine pour laquelle on file une si belle métaphore ouvrière, digne de Rashimov. Dans ses pronostics pour la fin de saison — établis quelques jours avant Lille-PSG —, le service des sports du Parisien misait d’ailleurs sur une défaite des Parisiens au Stadium. À cette aune, le nul décroché le lendemain en terre lilloise sera forcément un résultat inespéré. Quoique… Le site Internet Football 365, pas toujours lucide, a un autre avis sur la question :
Entre le match sans occasion durant lequel l’exceptionnel gardien de but sauve son équipe, et le match nul qui ne fait les affaires de personne — mais plus celles du PSG que de Lille quand même… —, avouez qu’il y a de quoi être perdu.
Et si on laissait plutôt le mot de la fin à Zoumana Camara, un de ceux qui jouent au football, oubliant les autres, qui eux ne font qu’en vivre :
Puisque de beau jeu en animation offensive, de frilosité en manque d’ambition, on en revient toujours au même constat : c’est le vainqueur qui a raison, et qui écrit ensuite l’Histoire, rien ne sert de se fatiguer. Les Parisiens verront bien, fin mai, si depuis un an ces matches terminés par un 0 à 0 étaient tous si nuls que cela.