Il est toujours bien plus facile d’émettre un avis catégorique sur des événements une fois que ceux-ci ont eu lieu. Dire ce qu’il aurait fallu faire après coup est même devenu une spécialité d’une bonne partie des médias français. Mais dans le cas de Guy Lacombe, nous ne mentirons pas en disant qu’au moment de sa nomination, fin décembre 2005, il était difficile de croire à une réussite de ce natif de l’Aveyron, et ce pour plusieurs raisons.
Une nomination surprenante
Guy Lacombe présentait en effet des défauts quasiment rédhibitoires pour le PSG. Il traînait une réputation d’entraîneur nerveux, impulsif, à la fois avec le corps arbitral et avec les joueurs de son effectif un tant soit peu belliqueux. Un an avant son arrivée, ce genre de comportement avait mis fin au mandat parisien de Vahid Halilhodzic. Lacombe avait en plus derrière lui une carrière trop peu prestigieuse pour lui garantir une légitimité suffisante : il avait certes accompli de beaux exploits auparavant, et acquis une image de coach formateur, mais à chaque fois dans des clubs à l’ambiance familiale, provinciaux — Cannes, Guingamp, Sochaux —, finalement bien loin du climat parisien. De plus, il n’avait aucun palmarès significatif pour les exigeants observateurs du PSG, et sa crédibilité était de faite quasi-nulle.
Et enfin, le plus important, le contexte particulier de son arrivée, pour lequel il ne pouvait rien, le condamnait d’avance. Pour rappel, Guy Lacombe arrive lors de la trêve hivernale fin 2005 pour remplacer Laurent Fournier. Le problème étant que Laurent Fournier était un homme apprécié de tous, les joueurs adhéraient plutôt bien à son discours, les supporters aimaient voir un ancien joueur emblématique s’asseoir sur le banc [1], et même les journalistes n’avaient alors pas encore lancé de campagne de dénigrement à son encontre. Du coup, le fait que Pierre Blayau le renvoie, prétextant un manque d’ambition et de résultat, a été franchement mal perçu [2]. Et alors que tout le monde attendait Paul Le Guen, qui était alors un des coachs français les plus en vogue et dont la venue aurait certainement mieux fait passer la pilule du départ de Fournier, l’annonce de l’arrivée du modeste Guy Lacombe, qui n’était lié en rien au PSG, avait de quoi interpeller.
Il prend donc en main un PSG sixième du championnat à un point du deuxième. Avec la pression mise implicitement par son président : s’il est venu, c’est évidemment qu’il va faire mieux que son prédécesseur. Arrivé avec ses fidèles adjoints Alain Blachon et Éric Blahic, Guy Lacombe a en premier lieu l’intelligence de travailler dans la continuité de Fournier. Il maintient sa confiance envers Christian Mas et Cyril Moine [3] et, surtout, n’opère pas de révolution dans l’effectif — si ce n’est qu’il empêche Pancrate de partir. Il l’avoue même franchement, cet effectif parisien est le meilleur qu’il ait eu entre ses mains, il ne voit donc pas l’intérêt d’y changer quoi que ce soit. D’autant qu’il bénéficie assez vite des services de Rodriguez, Bueno et Paulo Cesar, contrairement à son prédécesseur.
Premiers troubles puis victoire prestigieuse
Cette continuité s’observe en premier lieu dans les résultats, puisqu’ils restent au mois de janvier dans la même lignée que ceux de Fournier : victoires à domicile et défaites à l’extérieur. Le choc psychologique n’a pas eu lieu, dans un sens comme dans l’autre. Voulant tout de même faire bouger les choses, Lacombe affirme qu’il manque un aboyeur dans l’équipe parisienne. Dès la venue de Saint-Étienne, en février, il titularise celui qui, selon lui, résoudra ce problème : Jérôme Alonzo. Hélas, le portier parisien effectue alors un très mauvais match, inscrivant un but contre son camp, et Paris doit se contenter du nul à domicile. Comme, dans le même temps, Lacombe ne gagne pas non plus à l’extérieur, le PSG ralentit clairement la cadence. Et les contre-performances s’enchaînent. Paris ne gagne plus du tout, avec en point d’orgue le fameux match nul face aux minots marseillais [4]. À ces mauvais résultats s’ajoutent les premiers conflits entre Lacombe et certains forts caractères de son groupe : Rothen et Dhorasoo avaient peu apprécié d’être sortis en cours de match face au Mans [5], et avaient tous deux manifesté leur mécontentement [6]. Tout est rentré dans l’ordre assez vite, mais ces deux crises de vestiaires allaient assez vite revenir à la figure du coach parisien…
Toujours est-il qu’au soir du 11 mars, le PSG pointe même à la 10e place. Il s’en suit une période de redressement, avec pour la première et seule fois pour Guy Lacombe, des rencontres au contenu plus que convaincant. Le PSG réalise d’excellents matches — victoire 3-1 contre Bordeaux, 4-1 contre Auxerre — et en parallèle, enchaîne les tours en coupe de France. Ce qui conduit le PSG à disputer et gagner une finale de coupe face à l’OM. Cette fois, la grosse équipe marseillaise est de sortie, et le PSG l’emporte assez aisément. Grâce à cette victoire prestigieuse, Lacombe étoffe son palmarès et celui du PSG. Surtout, il s’octroie une vraie bouffée d’air. Car mis en avant, ce trophée permet de masquer à la fin de la saison un chiffre assez alarmant : sur la deuxième moitié du championnat, donc depuis la venue de l’Aveyronnais, Paris n’a gagné que quatre rencontres en L1. Il est par ailleurs amusant de constater que l’équipe alignée par Lacombe en finale était en fait rigoureusement la même que celle présentée par Fournier lors de l’ouverture du championnat. Comme quoi, un changement de coach n’induit pas forcément une différente orientation tactique.
En marge de cette fin de saison, le PSG effectue une vraie révolution : Canal+ vend enfin son joujou à un triumvirat d’actionnaires, et Alain Cayzac devient le PDG du club. La chance de Lacombe est de tomber sur un nouveau président connaisseur du club, qui sait bien que les changements trop nombreux opérés au PSG depuis des années n’ont que rarement apporté du bon. Il accorde donc toute sa confiance au technicien à moustache, qui peut préparer la saison suivante en toute sérénité.
Lacombe n’est pas très gourmand, et sans que l’on sache réellement sa responsabilité au niveau des transferts — il n’a jamais prétendu avoir les prérogatives d’un manager —, il valide la venue de quelques recrues, peu onéreuses. Landreau, Frau, Traoré, Diané et Baning débarquent donc au club, pour un des recrutements les moins clinquants depuis une décennie.
Quand plus rien ne marche…
Si jusque-là Lacombe avait été plus souple que sa réputation ne l’avait supposé, il commence à durcir son attitude et à affirmer ses convictions. Alors qu’il fourmille d’idées pour faire évoluer son équipe, il va être confronté à un phénomène qui va invalider tous ses choix : une absence criante de résultats. Le PSG perd en ouverture contre Lorient, et peine ensuite à gagner — à nouveau, quatre malheureuses victoires jusqu’à la trêve. Pourtant, la plupart de ses idées sont loin d’être mauvaises : il fait preuve d’une confiance aveugle à Pauleta, remet en cause le statut de Rothen qu’il juge en deçà de ses capacités réelles, refuse de céder face aux caprices de Dhorasoo, replace Rozehnal au milieu de terrain, titularise Dramé, positionne Armand en défense centrale, lance Chantôme puis Mulumbu en L1, fait d’Édouard Cissé un arrière droit, et adopte une tactique à géométrie variable (très offensive à domicile, défensive à outrance à l’extérieur). Tous ces points sont sujets à controverse, particulièrement le dernier, qui irrite la plupart des supporters : les déplacements européens chez les modestes clubs de Derry City, du Rapid Bucarest ou du Mladá Boleslav se soldent tous par des 0-0 soporifiques. La frilosité de Lacombe ternit clairement son image, et de grosses déconvenues finissent d’en faire un entraîneur bon à jeter.
Pourtant, dans cette période sombre au niveau résultats, il faut tout de même reconnaître que Lacombe a quelques circonstances atténuantes. À commencer par un comportement des arbitres parfois incompréhensible à l’égard du PSG. La somme de décisions injustes prises contre le club parisien atteint à ce moment-là des records. Cartons rouges non distribués aux adversaires, mais octroyés sans souci aux Parisiens, buts refusés sans raison et cadeaux faits à l’adversaire, sans parler de la fameuse histoire des tirages de maillot de Yepes et de la suspension disproportionnée de Frau. À cela vient s’ajouter un malheur extra-sportif, avec la mort d’un supporter aux alentours du Parc des Princes [7], entraînant la fermeture de la partie basse de la tribune Boulogne et une atmosphère pesante au stade.
De même, il est alors activement reproché à Guy Lacombe le fait de ne savoir gérer aucun de ses cadres, à l’exception notable de Pauleta. Mais il faut bien reconnaître que dans tous les conflits qu’a dû affronter Lacombe, il est loin d’avoir fait face à des joueurs exemplaires. À plusieurs reprises, il a voulu titiller l’orgueil de Dhorasoo et de Rothen, en les mettant parfois sur le banc. Il jugeait leurs performances insuffisantes, ce qui, quand on se remémore les matches à cette période, était loin d’être faux. Cela a conduit à des déclarations fracassantes du premier, qui s’est fait licencier du club dans la foulée, et à une mise à l’écart définitive du second après le match face à Tel-Aviv — alors que son niveau n’avait cessé de décliner dès que sa place de titulaire avait été remise en cause. Est-ce le caractère difficile de Lacombe qui a conduit ces joueurs à se comporter ainsi, ou est-ce que ce sont ces joueurs qui avaient mal assimilé le principe de la concurrence ? Les torts sont probablement bien plus partagés que l’on a voulu le faire croire à l’époque. Enfin, il faut également rappeler le cas de Mario Yepes, que Lacombe avait écarté pendant plus d’un mois. Les détracteurs du coach parisien s’étaient empressés d’attribuer ce choix au manque de diplomatie de l’ex-Sochalien. En réalité, l’entraîneur parisien s’est passé des services de ce joueur uniquement car il était victime d’une lubie arbitrale : le Colombien venait de provoquer quatre penalties — dont un seul était valable — en deux rencontres. Cela relevait plus d’une gestion logique que d’une volonté de nuire aux fortes têtes, même Alain Cayzac en convient dans son livre.
Mais de toutes façons, on ne pardonne rien à un entraîneur qui perd, et force est de constater qu’avec huit victoires en championnat sur l’année 2006, le bilan de Lacombe était très mauvais. Il avait pourtant l’appui absolu d’Alain Cayzac, prônant la stabilité et peu enclin à se séparer de son entraîneur. L’année 2007 commence donc avec le même entraîneur sur le banc parisien. Mais dès le premier match de championnat face à Valenciennes, le PSG perd à nouveau et commence à flirter dangereusement avec la relégation. Cayzac apprend en même temps que Paul Le Guen est libre de tout engagement, et intéressé par un poste au PSG [8] : il choisit donc de mettre fin au mandat de Lacombe. Celui-ci, beau joueur, s’en va en certifiant que son président a fait un bon choix concernant son successeur.
Lacombe a donc vécu une année civile complète au PSG, qui a dû le dépayser des ambiances calmes qu’il avait connues auparavant. À un bilan sportif mauvais, doublé de problèmes au sein de l’effectif — dont il n’était pour la plupart pas responsable —, Lacombe pourra opposer une victoire prestigieuse et marquante en coupe de France. Mais le principal apport du nouvel entraîneur monégasque concerne son travail pour la promotion de la jeunesse parisienne. Si Le Guen a énormément lancé de jeunes ces dernières années, c’est en partie parce que Guy Lacombe avait montré que c’était possible. En faisant confiance à des jeunes — Dramé, Chantôme, Mulumbu et Mabiala —, il a montré qu’on pouvait sortir du centre de formation parisien, et faire partie intégrante de l’effectif. Mais en dehors de ce changement de politique sportive, l’histoire de Lacombe au PSG ressemble fortement à celle d’un entraîneur qui ne pouvait réussir au PSG d’aucune façon…