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L’envers du décor : les photographes

À la rencontre du photographe du Stade Français

Revivez la soirée d’un photographe au stade Jean-Bouin

lundi 23 février 2009, par Vivien B.

À la rencontre du photographe du Stade Français

Autour des stades gravitent de nombreuses personnes indissociables des événements sportifs, mais invisibles pour le téléspectateur ou le spectateur : organisateurs, ingénieurs du son, cadreurs, techniciens, régisseurs… D’autres, les photographes, sont tellement présents en première ligne qu’ils font quasiment partie du décor. Habitué à rester dans l’ombre pour mieux mettre les autres en pleine lumière, un photographe indépendant a accepté de nous faire partager sa passion du sport et de la photographie. Nous l’avons suivi durant toute la soirée de vendredi, à l’occasion du match entre le Stade Français et le RC Toulon (17e journée du Top 14), de son arrivée à son départ du stade Jean-Bouin. Rencontre avec Éric Baledent.

Durant le match Stade Français - Toulon (17e journée du Top 14), depuis son arrivée au stade Jean-Bouin jusqu’à son départ quatre heures plus tard, nous avons suivi le travail d’Éric Baledent, photographe officiel du Stade Français Paris.

De l’arrivée des joueurs à l’échauffement

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Local des photographes

19 heures. À moins de deux heures du coup d’envoi, les coulisses de Jean-Bouin sont déjà en ébullition. Dans le local des photographes situé à l’entrée du stade, Abder Zouina, le syndic de presse au Stade Français Paris — chargé notamment des relations entre les journalistes et le club —, accueille ses confrères. Éric Baledent est déjà présent. Un sandwich à la main, l’ancien secrétaire des Titifosi évoque avec ardeur son intérêt pour le football féminin [1], le rugby ou encore l’athlétisme. Photographe officiel du Stade Français, Éric Baledent est à l’aise à Jean-Bouin : il enchaîne les poignées de main et les bises à ses collègues, salue le trésorier des Titis de l’ovalie, Thorgal, ou encore le responsable du site officiel du club, Mathieu Cabiro. Éric n’a pourtant pas toujours travaillé dans le monde du rugby. Comment passe-t-on de chef de projet informatique au Ministère de l’Intérieur à photojournaliste ? La réponse tient en deux passions, étroitement liées : le sport et la photographie.

Je fais de la photo depuis que j’ai quinze ans. Mon père était arbitre de football en deuxième division, et je suis moi-même devenu arbitre — plus jeune arbitre de France à 15 ans. J’ai notamment arbitré les championnats nationaux Cadets et Juniors.

Je voulais garder des souvenirs de ces moments passés sur les stades, c’est pour cela que je suis venu à la photographie. J’ai continué à faire des photos, de manière plus ou moins régulière, puis j’ai dû arrêter. Ma passion en informatique prenait le pas jusqu’au moment où celle-ci s’est estompée : ma profession ne me satisfait plus. J’ai donc décidé de me lancer dans une réorientation professionnelle. J’ai suivi une formation pour devenir photographe professionnel, et je m’y emploie désormais en parallèle de mon boulot actuel, le temps que mon activité de photographe soit viable.

20 heures. Plusieurs joueurs sont déjà sur la pelouse ; spectateurs et photographes prennent place progressivement. Éric s’empare de ses deux appareils — le troisième est en panne —, la soirée commence.

Le jour de l’événement, j’aime bien arriver à l’avance : voir l’entrée des joueurs, leur parler, savoir s’ils sont en forme. Là, mon matériel est déjà prêt. Environ trois quarts d’heure avant le début du match, je me mets sur le terrain, je commence à faire l’échauffement.

La photo idéale ? « Un essai du Stade Français en 1re MT »

20h30. À quelques minutes de la fin de l’échauffement, alors que tous les joueurs sont sur le terrain, Éric en profite pour se rendre dans les vestiaires. Un panda aux couleurs de l’équipe parisienne qui trône dans les vestiaires, une table copieusement garnie : voilà de quoi réaliser quelques photos originales.

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Vestiaires et couloirs, avant le match

Une fois les joueurs rentrés, à quelques minutes du coup d’envoi, le photographe rejoint les caméras de Canal+ Sport au bout du couloir, pour l’entrée des deux équipes. « C’est la dure loi du métier de photographe : attendre, attendre, attendre… Il faut être patient », explique Éric. Puis le trio arbitral sort des vestiaires, et appelle les deux équipes. Le match va débuter, le photographe officiel du Stade Français Paris a désormais 40 minutes pour réussir les meilleurs clichés :

Le deal avec le SF, c’est ça : faire les photos en première mi-temps, et les donner à Mathieu Cabiro pour qu’il puisse alimenter le site [stade.fr] en photos. Dès la fin du match, elles seront en ligne.

Je sais ce qu’il veut : j’essaie d’avoir au moins 2/3 photos d’actions et un joueur isolé. L’idéal, bien entendu, c’est d’avoir un essai. Mais c’est très rare : quand t’as le matériel avec toi, t’as beau courir, les joueurs vont plus vite…

Après quelques années de pratique intensive, l’expérience permet également d’affiner son style. Éric confie qu’il a vu ses clichés progresser au fil du temps :

Au niveau du traitement des photos, j’ai évolué. Avant j’aérais beaucoup les photos : je respectais évidemment la composition des photos, la règle des trois tiers, mais autour du fait j’avais beaucoup de vide. Et je m’aperçois que finalement, depuis trois ou quatre mois, mes photos sont plus dynamiques, plus resserrées sur le joueur ou l’événement qui se passe réellement dans la photo. Et je trouve qu’elles ont plus de force.

Au niveau composition, je n’hésite plus maintenant à m’affranchir de la composition traditionnelle — la règle des tiers, les quatre points de force… —, mettre des photos penchées par exemple. À Évreux, il y avait une joueuse qui s’éclatait, parce qu’elle n’avait pas l’habitude d’être photographiée, et je l’ai carrément faite penchée.

21h01. Éric se réjouit : Mathieu Bastareaud vient d’aplatir juste sous ses yeux, à l’angle de la Tribune présidentielle et du Virage pelouse. Avec la transformation de Beauxis, cela porte le score à 13-0. Surtout, la photo idéale est réussie. 20 minutes plus tard, quelques secondes avant la mi-temps, le photographe officiel du Stade Français se précipite dans l’exigüe tribune de presse de Jean-Bouin pour donner les photos à Mathieu et en faire une copie sur disque dur.

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Tribune de presse

« Au rugby, tu peux bouger autour de la pelouse »

À la reprise, Éric reprend sa course tout autour de la pelouse :

En deuxième période, je suis libre. Je reste principalement axé sur le SF, mais je fais tout : du people, l’environnement, les tribunes (des enfants, les femmes des joueurs), des photos alimentaires (les sponsors, le diffuseur, le drapeau de touche, les poteaux, les pubs), les supporters qui applaudissent ou qui réagissent…

C’est vrai que je cavale beaucoup durant un match. J’aime bien bouger, ça permet de varier les plans. C’est aussi l’avantage du rugby. En football par exemple, en L1, tu es derrière les buts, et tu n’as pas le droit de bouger. En rugby, tu es libre de te placer derrière les en-buts ou le long de la ligne de touche — hors champs caméra.

En handball, on ne peut pas être derrière les buts, ce serait dangereux. Quand tu as l’oeil dans le viseur, tu ne vois rien du tout, tu ne vois pas l’action ! En basket, pour avoir le plus d’effet, il faut se placer sous le panier. Mais dans ces sports, contrairement au football par exemple, il n’y a jamais une équipe qui domine à tel point que l’essentiel se passe dans la partie de terrain opposée, donc le choix du côté n’est pas aussi important.

En ce qui concerne les grands événements mondiaux, en athlétisme par exemple, tout dépend du niveau d’accréditation : 4 ou 5 agences sont in-field, sur le terrain, et peuvent aller n’importe où. Les autres, out-field, sont cantonnés derrière les panneaux publicitaires. Dans certains compétitions, la coupe du monde de rugby par exemple, certaines agences peuvent bouger et même se mettre en champ caméra, alors que les autres sont assis, avec un numéro attitré et l’interdiction de se lever durant tout le match !

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Déplacements

22h30. Fin du match, les Parisiens s’imposent finalement 22-12. Les joueurs du Stade vont saluer le public — notamment le Virage des Dieux, qui fête son cinquième anniversaire —, puis rentrent aux vestiaires. L’équipe de Canal+ Sport se trouve devant la porte des vestiaires parisiens, pour interroger Sylvain Marconnet. On retrouve également Éric Baledent aux premières loges, pour les dernières photos de la soirée.

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Interview d’après-match

Après le match, le dérushage

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Dérushage

Une partie des photographes ont déjà plié bagage, quelques uns — des agenciers — travaillent leurs photos dans le local qui leur est dédié. L’événement est terminé, mais il reste en effet plusieurs heures de travail aux photographes indépendants :

Il faut désormais faire une sélection des meilleures photos, les retraiter, saisir les données IPTC, et les envoyer à l’agence. Je ne le ferai pas ce soir : il y avait trop de monde, ce n’est pas la peine. On doit être une quarantaine de photographes. Pour un match « non-important » un vendredi soir, tu peux être sûr qu’on ne sera même pas une dizaine de photographes.

Le principe est le même quel que soit l’événement : le lendemain, il faut « dérusher » les photos. Les copier sur disque dur, les renommer, les tagger, les mettre sur une baie de sauvegarde, pour ne garder qu’une centaine de photos : 50 de l’événement, 50 du match en lui-même — quarante si la soirée n’est pas exceptionnelle. En moyenne, je prends entre 1 000 et 1 300 photos par événement, et j’en conserve deux ou trois pour mon book.

Je renseigne les données IPTC avec notamment les noms des joueurs que je connais, le descriptif des actions (cadrage débordement, coup de pied de recentrage, etc.). Pour trier, j’ai l’œil, je sais ce qui est bien, ce qui est porteur. Mais tout cela reste très long : pour un événement comme ce soir, je commencerai à 8h demain, ce sera fini vers 15h/16h. À cette heure-là, j’aurai publié les photos sur mon site, averti l’agence qu’elles sont sur disponibles sur le serveur FTP et posté les messages sur différents forums.

Les seules retouches que j’effectue à l’occasion d’événements sportifs concernent l’espace colorimétrique des photos, que j’évite d’écrêter, et le recadrage.

Le temps que nécessite la photographie constitue précisément la principale contrainte de ce métier :

Il est parfois difficile de se libérer. Heureusement que ma famille est derrière moi. Depuis huit mois, je n’ai eu qu’un seul week-end de libre pour la famille, à Noël. Le reste du temps, il y a au moins un vendredi, un samedi ou un dimanche d’occupé. Certaines semaines, cela commence le vendredi soir pour ne finir que le dimanche soir. Ce week-end par exemple, je fais trois événements : après le rugby, j’enchaîne samedi sur un match de basket à Trappes (Trappes - Cherbourg, NM2), et dimanche je couvre Montigny - Henin-Beaumont en 16es de finale du Challenge de France.

Ça, c’est pour les événements en eux-mêmes. Mais le dérushage m’occupe aussi beaucoup chez moi : samedi matin je m’occupe du rugby, dimanche matin j’entame le traitement du basket — mais je n’aurai peut-être même pas le temps de finir. Je m’occuperai ensuite du foot dimanche soir, parce que je dois fournir quelques photos à l’UCSFF — donc autant tout faire, de A à Z. Finalement, soit j’aurai le temps de finir le basket dimanche matin, sinon ce sera lundi soir. Quoi qu’il en soit, mon week-end aura été bien chargé.

« Dans la photographie, il faut prouver »

Outre les matches du Stade Français et le basket, Éric est également l’un des rares photographes — en dehors de quelques photographes de clubs — à suivre le football féminin. D’autres projets sont plus compliqués :

Les grands événements (semi-marathons, marathons, Golden League, etc.) sont facilement prévisibles, l’essentiel est d’obtenir l’accréditation. Il faut également anticiper en permanence. Je prépare des reportages people pour les phases finales du Top 14 : mes projets portent aujourd’hui sur Lionel Beauxis, Sergio Parisse, les deux frères Bergamasco… Beauxis par exemple, cela fait cinq mois que je suis en pourparlers avec lui pour essayer de trouver un créneau !

La disponibilité n’est pas la seule qualité requise pour percer parmi les photographes. Éric a mis un pied dans ce milieu qui le passionnait à force de culot et de persévérance :

Dans la photographie comme tous les milieux artistiques, il faut prouver, il faut des références. J’ai proposé mes photos au SF, ce sont eux qui m’ont recontacté par la suite. Mais ce n’est qu’un début, il faut se faire connaître, en permanence. Une autre exigence concerne le sujet photographié : il faut connaître le sport en question, et le cas échéant s’informer auparavant sur la composition habituelle des photos.

La saison dernière, je me suis fixé une échéance : si dans cinq ans, je n’ai pas été recruté par au moins une agence, j’arrête. Aujourd’hui, j’ai déjà deux agences, WorldPictures et APANews, donc je pense être sur la bonne voie

D’autres infos autour du match :
- photos du match et de ses à-côtés par Éric Baledent ;
- photos du match et de ses à-côtés par PSGMAG.NET ;
- à la rencontre du photographe du Stade Français ;
- dans les pas du photographe du Stade Français.

P.-S.

Un grand merci à Abder Zouina pour son accueil et, naturellement, à Éric Baledent pour sa grande disponibilité.

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6 votes

1 commentaire a déjà été posté par nos lecteurs

  • #1

    catherine dufossé dite louise pour le site du Stade Français
    24 février 2009 16:06

    c’est une idée formidable ce reportage, un hommage à Eric qui le mérite tellement, ses photos sont toujours attendues avec impatience même si l’on est conscient du travail que cela comporte
    c’est vrai quand j’arrive à Jean Bouin je recherche des yeux sa silhouette parce je sais que je replongerai après le match dans un moment de partage avec un grand plaisir
    il est toujours à la recherche de l’amélioration de la qualité de ces photos qu’il partage avec nous avec tellement de coeur
    il capture les expressions des uns et des autres et les retranscrit avec passion
    pour cela je voudrais lui dire un grand MERCI
    Louise

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