L’histoire retiendra que le 9 octobre 2008, le journal L’Équipe a lancé les hostilités : la campagne de dénigrement de l’entraîneur parisien en place a commencé ! La une de L’Équipe est sans appel : Paul Le Guen va sauter.
Le problème avec cette histoire, c’est que même s’il est avéré que cette information sensationnelle ne repose sur rien, elle va être reprise par toutes sortes de médias dans les semaines à venir, et finir par être considérée comme fondée par l’inconscient collectif. Charles Villeneuve aura beau démentir autant de fois qu’il le faudra, le fait qu’il nie aura aux yeux des experts footballistiques moins d’importance que l’article originel de L’Équipe, même si celui-ci n’est que la conséquence d’une panne d’inspiration journalistique [1]. La position de Le Guen ne deviendra que plus fragile : pour beaucoup la solution Deschamps sera suffisamment séduisante pour pousser à sa réalisation. De fait, les articles véhiculant cette rumeur, et les comportements hostiles d’une part du public parisien risquent fort de se multiplier. Il s’agit ici du phénomène de prophéties auto-réalisatrices, remis au goût du jour en ces temps de crise financière. Quels que soient les résultats d’ailleurs, nous faisons confiance à toutes ces personnes pour systématiquement trouver quelque chose à redire.
Alors à PSGMAG.NET, nous allons pour une fois anticiper, et le dire tout de suite : Didier Deschamps ne doit pas venir au Paris Saint-Germain. En voici les raisons.
Un palmarès extraordinaire… qui tient sur une ligne
Tout d’abord, il faut se poser la question principale. Que peut apporter ce champion du monde au Paris Saint-Germain que Le Guen n’apporterait pas ? Qu’a-t-il de plus ? Soyons clairs d’entrée : la réponse est rien.
Beaucoup estiment qu’il faut un entraîneur de très grande envergure au Paris Saint-Germain. Mais si ceci peut prêter à débat, considérer que Deschamps est celui-là reste tout simplement un leurre. En analysant son expérience à la tête d’un effectif professionnel, on constate que Didier Deschamps compte en tout et pour tout quatre années complètes en première division. Quatre saisons à Monaco et c’est tout, son parcours à la Juventus n’ayant été accompli qu’en Série B. Si à ce compte-là Deschamps est l’entraîneur d’expérience dont a besoin le PSG, n’importe quel entraîneur peut faire l’affaire. Que ce soit Alain Perrin, Pablo Correa ou Jean Fernandez, presque n’importe qui a au moins autant d’expérience que Deschamps en tant qu’entraîneur principal d’une équipe peut être l’homme de la situation. Même Paul Le Guen, qui compte la bagatelle de huit années en première division [2] — et pour lui ça continue à s’accroître, pendant que Deschamps parfait son savoir sur les plateaux de RMC ou de Canal +…
Alors oui, l’expérience ne fait pas le tout. Certains diront que Deschamps n’a certes que cinq années de pratique, mais quelles années ! Et quel palmarès ! Deschamps a quand même gagné… une coupe de la Ligue. Pendant que cet incompétent de Le Guen gagnait… une coupe de la Ligue, mais aussi trois titres de champion de France et trois Trophées des champions. La plus fameuse année de Deschamps est donc l’exercice 2003/2004 où son formidable groupe a atteint la finale de la Ligue des Champions, et a terminé 3e du championnat de France… derrière le PSG de Vahid Hallilhodzic. Précisons d’ailleurs que si cette saison blanche fut saluée par la presse, il en aurait été tout autre à Paris : l’AS Monaco, champion d’automne, comptait pas moins de 8 points d’avance sur le PSG après les matches aller fin 2003, pour finir un point derrière les Parisiens en mai 2004. Couplée à une défaite finale en coupe d’Europe, cette descente aux enfers ressemble étrangement à la saison 1995/1996 du PSG, à ceci près que le club parisien, qui ne comptait « que » sept points d’avance sur Auxerre après la 19e journée et termina finalement deuxième, gagna la coupe d’Europe… Pourtant, la presse retiendra une saison « catastrophique » pour le Paris SG en 1996 et une saison « formidable » pour l’ASM de Morientes, Nonda, Giuly et Rothen en 2004.
Mais il ne faut pas se borner aux simples résultats, et regarder le travail qui a été accompli. Deschamps est arrivé en 2001 à Monaco, il a surfé ensuite sur le travail préalable effectué par Claude Puel — champion de France un an plus tôt — pour réaliser au final trois bonnes saisons sur quatre. Puis, il n’arrive pas à maintenir son groupe, effectue un recrutement douteux en 2005, et enfin s’en va comme un voleur une fois qu’il constate que l’équipe qu’il a construit est tout simplement mauvaise, malgré les largesses financières inhérentes au club monégasque. Depuis, le club de Monaco tente tant bien que mal de s’en remettre, mais ni Guidolin, ni Boloni, ni Banide, ni Ricardo n’ont réussi à faire sortir le club de l’état lamentable dans lequel Deschamps l’a laissé. À la Juventus, Deschamps a réalisé l’exploit de faire monter le club de la série B à la série A. Quel talent ! Avec un effectif constitué entre autres de Buffon, Trezeguet, Del Piero ou Nedved, il est fort probable que même un club présidé par Gervais Martel, et entraîné par Jean-Pierre Papin aurait réussi le même exploit.
Le Guen est caractériel ? Deschamps est pire !
Bref, au final, Deschamps n’a rien prouvé. Mais il a son aura de joueur. Il a gagné un grand nombre de trophées, à une époque où les joueurs actuels étaient jeunes, et par conséquent, un respect implicite va en découler. Deschamps a effectivement le plus gros palmarès du football français — même si certains de ses titres ont été obtenus dans des clubs qui ont recours à des procédés discutables [3]. Mais là aussi, Paul Le Guen a son mot à dire. Son palmarès de joueur est loin d’être anodin, lui aussi a été international français, et surtout, son palmarès, il l’a forgé au Paris SG. Ce paramètre n’est pas à prendre à la légère, tant on a pu constater ces dernières années à quel point cette légitimité-là était importante aux yeux des supporters. Des Fernandez ou Fournier pouvaient travailler calmement — du moins dans leur relation avec les supporters — pendant qu’un Lacombe ou un Vahid [4] étaient jugés bien plus durement. Et il est probable que tout autre entraîneur que Le Guen ne serait pas sorti indemne des dernières saisons. Alors, nous vous laissons imaginer la situation de Deschamps, le capitaine marseillais, au moindre accroc au Parc des Princes…
Par ailleurs, il se dit que Le Guen est un caractériel qui a peut-être du mal à coexister avec des stars. Mais Deschamps souffre du même syndrôme, probablement même accentué : durant sa période monégasque, il a réussi à se fâcher avec Marco Simone, Marcello Gallardo et Christian Panucci qui sont loins d’être des anonymes. À la Juventus, il est parti fâché avec ses dirigeants. Partout où il est passé, l’ami Deschamps s’est donc fait des ennemis. Tout ceci laisse à penser qu’il n’est pas évident de travailler avec le champion du monde.
Enfin, il faut s’interroger sur le fait que s’il ne travaille plus depuis plus d’un an ; il doit bien y avoir une raison à cela. Non content de faire payer ses services extrêmement cher au nom de sa grande expérience de cinq ans, et de son palmarès d’entraîneur qui ne comporte qu’une ligne, Didier Deschamps veut toujours venir avec l’intégralité de son staff. Tous ses adjoints, préparateurs physiques, équipe médicale, et bien sûr, son armoire à pharmacie. Donc, en plus de ses émoluments déjà suffisamment rédhibitoires en soi, la venue de Deschamps et de sa fine équipe, va impliquer le licenciement de tous les hommes en place, et toutes les dépenses qui vont avec — indemnités, frais prud’homaux. Sans compter que le Basque est assez buté : il voudra certainement renvoyer certains joueurs qu’il ne trouvera pas assez bons ou trop caractériels puis faire venir les siens d’Italie, ce qui n’est jamais donné.
En synthèse, pour accroître le déficit parisien, Deschamps est une bonne solution. En revanche, pour construire une véritable équipe sur la durée et, au final, gagner des matches et des trophées, peut-être vaut-il mieux se contenter de Paul Le Guen.