Du déplacement officiel organisé à Séville, les seules informations rapportées dans la presse font état d’une quarantaine de Parisiens présents dans le parcage visiteurs, dont certains ont déployé une banderole — aperçue sur W9.
Pour en savoir plus sur le déroulement du déplacement, les consignes du PSG et les conditions dans lesquelles la banderole a été confectionnée, nous avons interrogé plusieurs supporters qui étaient du voyage.
Témoignage de Gontran Paillez
Je m’appelle Gontran Paillez. J’ai 22 ans, je suis créatif dans une société de production audiovisuelle à Boulogne-Billancourt. Je vais au Parc depuis le milieu des années 1990, et je suis abonné depuis cinq ans : à Auteuil jusqu’à la saison dernière, en B rouge désormais, pour continuer à voir mon équipe avec cinq amis. Au moins nous sommes ensemble, en attendant que la situation des virages ne change. Si elle change…
« Le PSG a fait enlever notre banderole »
Nous sommes trois à être à l’origine de la banderole : Jérémy — un ancien de la tribune G —, sa copine et moi. Nous souhaitions depuis longtemps faire passer un message, mais nous savions que nous ne pourrions pas le faire au Parc des Princes. Contre le Maccabi Tel-Aviv, même mon iPad — une tablette électronique qui coûte plusieurs centaines d’euros — n’était pas passée à la fouille ! De peur que je la lance sur les joueurs israéliens sans doute…
La propagande qui est faite au Parc des Princes est un peu ridicule. En tribune B rouge, ils viennent parfois faire leur casting pour les interviews de Valérie diffusées sur les écrans géants… C’est grotesque. Quant au plan Leproux, je trouve que c’est la solution de facilité qui a été retenue : on ne peut pas se satisfaire d’une réponse qui consiste à faire sortir 13 000 personnes pour 400 idiots.
La banderole indiquait : « Sans ses virages, le PSG perd son cœur et sa fierté ». Il s’agissait de dire que nos virages ne pouvaient pas se résumer à la violence et aux insultes, et que sans eux on ne restera pas un grand club. Nous avons planqué le drap tout au fond d’un sac durant le voyage. Arrivés au stade, vers 19h30, nous avons déployé cette banderole. Nous avions bien veillé à ne pas masquer les publicités du stade… Elle est restée environ une demi-heure. Jusqu’à ce que les responsables du PSG soient au courant, sans doute. Vers 20 heures, l’un deux a débarqué dans le parcage pour faire enlever la banderole. Dès lors, nous avons dû la tenir à bout de bras de temps en temps, afin qu’elle passe à la télévision française. Nous nous mettions tout autour, pour nous assurer qu’elle reste visible. J’avais demandé à un ami en France de me bipper quand nous apparaissions à l’antenne. Sur le but du PSG, nous l’avons spontanément déployée, et les téléspectateurs de W9 ont pu la voir distinctement. Le lendemain, le Parisien la mentionnait également.
Le déplacement : retour improvisé au Bourget
La presse annonce que 40 supporters parisiens ont fait le déplacement, mais nous étions en réalité une grosse vingtaine. Si nous étions bien 30 dans l’avion, cela incluait les salariés du PSG — les cinq ou six stewards et les membres du département supporters notamment. J’ai tenté de prendre quelques photos, mais les stewards sont rapidement venus me dire que c’était interdit s’ils apparaissaient sur les clichés. Même de dos ! Mais dans la mesure où les stewards nous encerclaient en permanence, il était difficile de prendre une photo sans qu’ils ne soient dessus… J’ai donc dû arrêter de photographier le groupe. Je pense que cela s’explique parce que le club avait honte de faire un déplacement avec si peu de monde.
Quelques « supporters » disaient qu’ils n’avaient pas payé, mais ils sont restés de leur côté, je n’ai pas beaucoup discuté avec eux. Je ne sais donc pas dans quelles circonstances ces billets leur ont été offerts. La vingtaine de supporters restant se répartissait grosso modo en une dizaine d’anciens abonnés des deux virages et une dizaine de « touristes », dont on sentait qu’ils n’étaient pas habitués à ce genre de déplacements.
Lorsque nous nous étions inscrits, nous avons dû signer un document de quatre pages récapitulant les conditions générales de vente auxquelles il fallait se soumettre durant le déplacement (voir plus bas). Mais personne n’avait pris le temps de le lire : comme les conditions générales de vente des abonnements, on doit le signer sur place, et ils le récupèrent immédiatement, avant de passer à la suite. Les autres l’ont donc rendu, mais moi je leur avais demandé une copie. Entre autres interdictions prévues par ce règlement : la consommation d’alcool. Manifestement, le personnel de l’avion n’était pas au courant… (sourires)
Nous avons embarqué dans un petit avion à hélices, d’environ 70 places. Il était donc à moitié vide… À la descente de l’avion, à Séville, nous avons été accueillis par deux cars de policiers espagnols. Un bus qui nous était réservé a foncé à toute vitesse à travers la ville pour nous déposer au stade, où nous sommes arrivés vers 19 heures. Là, deux nouveaux contrôles d’identité nous attendaient : par les stadiers sévillans, et par les policiers espagnols. Après les fouilles, vers 19h30, nous sommes directement rentrés en tribunes. Il y avait un Mac Do juste à côté, mais nous n’avons pas eu droit d’y aller : pour manger, c’était hotdogs, chips et Coca-Cola à la buvette… ou rien. Les billets pour le match nous avaient été remis dans le car entre l’aéroport et le stade.
Plusieurs cordons de policiers nous entouraient, puisque les grilles entre le parcage visiteurs et le reste du stade s’arrêtaient quelques mètres trop tôt : en bas de la tribune, un simple ruban séparait les deux tribunes ! Nous n’avions pas droit aux mégaphones ni aux tambours. Nous étions dix à chanter — les anciens abonnés des virages, que l’on aperçoit sur W9 après le but parisien —, car les autres ne connaissaient pas les chants. Ils reprenaient simplement « Allez Paris, Paris est magique », comme dans les virages du Parc cette saison. Les RG sont venus en parcage faire quelques contrôles d’identité.
À la fin du match, seuls un ou deux joueurs sont venus nous saluer. Après avoir attendu une trentaine de minutes, nous nous sommes fait escorter par dix motos et deux voitures de la police espagnole. Le car qui nous transportait a dû couper les lumières à l’intérieur pour pas que les Sévillans puissent nous reconnaître. Cela étant, l’escorte dont nous bénéficiions n’était pas très discrète… C’est à ce moment-là que Robin Leproux a appelé Stéphanie, du département supporters, pour nous annoncer que tous ceux qui avaient fait le déplacement à Séville seraient invités à Lens-PSG. Plusieurs d’entre nous avaient déjà acheté leurs billets pour ce déplacement, donc les questions sur le remboursement ont rapidement fusé. Leproux a d’ailleurs vite raccroché pour la laisser se débrouiller…
Nous sommes arrivés à l’aéroport de Séville environ 10 minutes avant les joueurs parisiens. Nous avons embarqué le plus vite possible, pour que les joueurs embarquent à leur tour le plus vite possible. Nous n’avons pas pu les croiser : nous avons été placés dans le duty-free pour acheter du Toblerone et des bouteilles d’alcool. (rires)
Le retour dans notre petit avion à hélices a été plutôt difficile : nous avons traversé des turbulences pendant environ une heure et demie ! Il y avait plusieurs personnes malades à bord, y compris parmi les salariés du PSG. Alors que nous étions partis de Roissy, nous avons atterri… au Bourget. À mon avis, le club avait bien prévu d’affréter un avion de 180 places comme l’avait annoncé L’Équipe, et ils ont dû se faire recaler à la dernière minute par l’aéroport à cause de la taille de l’avion qu’ils ont finalement retenu pour nous… Le PSG a refusé de nous laisser partir au Bourget. Durant l’après-midi, ils ont donc appelé un car en urgence pour nous récupérer et nous déposer à Roissy. Au final, entre l’avion à moitié vide et cette course de 20 minutes, le déplacement a dû coûter très cher au club — la seule place en parcage était vendue 40 € par le FC Séville ! Tout cela donnait vraiment l’impression que le déplacement a été organisé à la va-vite. Avant de trouver un bus de disponible, ils avaient même envisagé de nous ramener à Roissy en taxi…
Bref, nous sommes arrivés au terminal T3 de Roissy vers 3h40, où nous avons aperçu les joueurs parisiens, mais nous ne pouvions pas aller les voir. Quand nous avons été autorisés à y aller, la plupart étaient déjà montés dans leur bus. Au mieux certains nous ont salué à travers les vitres, mais ils ne sont jamais redescendus. Seuls Hoarau et Edel, sortis plus tard que les autres de l’aéroport, se sont montrés disponibles pour une bonne quinzaine de photos.
De notre côté, nous avons attendu le passage du prochain Noctilien, vers 4 heures. Personnellement, je suis arrivé à 5 heures à Gare du Nord, où j’ai attendu le premier RER pour rentrer chez moi.
J’espérais que nous serions plus nombreux, mais je suis plutôt content du déplacement. Même si nous n’étions que dix, il n’y avait pas que des « footix » comme je le redoutais. Nous étions une dizaine de motivés, d’anciens habitués, nous avons lancé nos chants et nous avons réussi à faire parler de la banderole. C’est l’essentiel.
Les conditions générales de vente
Voilà le document, bourré de fautes d’orthographe, que le PSG demandait aux supporters de signer lors de leur inscription :
Témoignage de Franck
Je m’appelle Franck. Je suis cadre commercial ; je suis marié, j’ai deux enfants. J’ai connu le Parc des Princes au milieu des années 1980, ayant joué en catégories jeunes au Racing, et j’y vais pour le PSG depuis 1993. J’étais abonné à Auteuil depuis 1996, mais non carté. Cette saison, j’ai assisté à PSG-Maccabi-Tel-Aviv, PSG-Bordeaux, PSG-Arles-Avignon et PSG-Rennes en virages rouges. La situation est déplorable, les personnes qui composent ces tribunes sont des touristes pour la majorité : assis, et muets. Quelques gars comme moi sont encore là, mais pour combien de temps encore ? C’est triste de voir ce que sont devenus nos virages.
« Les stewards étaient très nerveux »
Nous étions une trentaine à faire le déplacement : des jeunes passionnés majoritairement, trois filles dont une quinquagénaire, un papy, un Martiniquais de passage à Paris qui a pris sa place par hasard suite à une visite du Parc, et quelques gars comme moi de 35-40 ans. Nous étions encadrés par trois stewards, deux autres responsables et l’organisatrice, du département supporters.
À l’inscription, il fallait signer un document précisant nos droits et devoirs — avoir un comportement de bon père de famille, pas d’alcool, pas de fumigène… Je ne l’ai pas conservé.
Il y avait une très bonne ambiance dans l’avion — avec open bar, et oui ! Ensuite, deux stewards particulièrement stupides ont un peu gâché le bon déroulement de ce déplacement en faisant du zèle. Le groupe était pourtant tranquille, très bon enfant. Arrivés à l’aéroport de Séville, nous avons retrouvé Jean-Philippe d’Hallivillée [le directeur de la sécurité et des relations avec les supporters], venu discuter avec les stewards pour prendre la température de notre groupe ô combien dangereux. Il semblait inquiet de la présence de Parisiens dans le centre-ville, ce qui explique peut-être la nervosité et/ou la bêtise de quelques stewards. Il nous a accompagné dans le bus puis dans la tribune. Une fois au stade, nous avons compris que nous ne pourrions pas tourner autour du stade comme d’habitude — lors des précédents déplacements européens organisés par le club, dans les années 1990 notamment. Deux supporters de notre groupe se sont alors fait agresser verbalement par un steward très nerveux, avec un ton menaçant, qui n’acceptait pas l’idée que nous puissions avoir envie de nous balader autour du stade.
Lorsque le jeune couple a mis en place sa banderole, j’ai senti que les stewards tiquaient. Jean-Philippe d’Hallivillée est venu la voir ; je l’ai alors entendu appeler Robin Leproux sur son téléphone portable. Ils ont ensuite obligé ce jeune couple à retirer la banderole, qui était effectivement très insultante à l’égard du club…
L’ambiance dans le parcage était fade. Mais avec 30 personnes, que pouvions-nous espérer ? Nous avons tout de même vibré parce que ce stade est un vrai stade de foot, vertical, à l’anglaise, et que le déroulement du match était agréable. Un seul virage sévillan chante mais sans arrêt, les chants sont parfois repris par l’ensemble du stade avec une certaine réussite.
Dans le bus, après le match, la responsable du département supporters a annoncé que l’ensemble du groupe était gracieusement invité à participer au déplacement du PSG à Lens. Ce à quoi nos amis stewards ont rétorqué entre eux que nous étions des « touristes » ou des « baltringues », je ne me souviens plus, et que nous n’irions pas à Lens… Le troisième steward présent était détendu et vraiment sympa. Mais alors les deux autres…
Après un départ à Roissy, nous avons atterri au Bourget. Un bus nous attendait pour prendre la direction de Roissy. Une fois arrivés là-bas, nous avons croisé les joueurs. Avant de descendre du bus, un steward a cru bon de nous préciser que nous devions bien nous comporter en présence des joueurs. Nous, supporters, sommes tellement incapables de nous tenir, il nous fallait bien un petit rappel à l’ordre…
Je ne pense pas aller à Dortmund. Pourtant le stade et l’ambiance sont vraiment à voir. Mais je pense que beaucoup de supporters indépendants vont se déplacer, et que forcément cela va chauffer pour entrer dans le stade. Je retournerai en revanche au Parc, mais jusqu’à quand ? J’y retourne pour le moment parce que c’est un besoin. Mais l’ambiance de ces virages rouges composés de touristes assis qui te regardent médusés quand tu oses chanter est difficile à soutenir. Absence d’ambiance, supporters adverses qui mettent le feu à juste 300 gars… Je pense que le boycott n’est pas la solution, mais aller au Parc non plus… Je crois finalement que ce plan sera salutaire pour moi, et qu’il me permettra de ne plus mettre les pieds au Parc, de m’occuper un peu plus de ma petite famille. Les mauvais résultats de ces dernières saisons auraient déjà dû m’inciter à ne plus venir.