Très décrié dans les tribunes parisiennes, Fabrice Pancrate a quitté le PSG dans l’indifférence en juin dernier. Pourtant, son bilan n’est pas si catastrophique que certains veulent bien le dire.
Du Mans à Paris
Nous sommes en août 2004. Paris s’apprête à disputer à nouveau la Ligue des Champions, et après un début de campagne de recrutement très prometteur — Yepes, Rothen et Armand, qui sont à l’époque tous considérés comme des pointures, sont venus renforcer l’équipe —, l’impatience est de mise concernant le nom des joueurs qui vont venir étoffer un effectif jugé encore un peu juste. L’entraîneur Vahid Halilhodzic a d’ailleurs annoncé qu’il y aura bel et bien un renfort offensif avant la fin du mercato. Les noms de plusieurs joueurs internationaux sont alors évoqués : Diego Tristan, Van der Meyde et Miccoli.
Mais, à la surprise générale, coach Vahid jette son dévolu sur un joueur relativement anonyme : Fabrice Pancrate. Son parcours est en effet assez modeste. Il a été formé à Louhans-Cuiseaux (L2) où il n’a joué que deux matches, est parti pendant deux saisons à Guingamp (L1), où il n’est rentré en jeu que six fois. En 2002, il commence enfin à jouer régulièrement en signant au Mans (L2). Il participe activement à la première montée du club en première division et, l’année suivante, à l’opération découverte du haut-niveau. La saison mancelle est catastrophique, Le Mans redescend aussitôt en finissant bon dernier. Mais Fabrice Pancrate tire son épingle du jeu ; dans un club très pauvre offensivement, il réussit à marquer 5 buts et à délivrer 5 passes décisives.
Suffisant pour Vahid Halilhodzic, qui en voit lui une solution peu onéreuse pour trouver une doublure à Fabrice Fiorèse — Pancrate est alors présenté comme un joueur de couloir —, ainsi que pour renforcer son armada offensive. Problème : le président du Mans Henri Legarda est très gourmand. Il demande plus de 3 M€ pour ce joueur, ce que le PSG ne veut pas payer initialement. Le transfert traîne, Pancrate met la pression à ses dirigeants en refusant de jouer en match officiel avec l’équipe de la Sarthe et, fin août, on ne voit toujours rien venir. Pourtant, Vahid veut ce joueur, et visiblement pas un autre. Les supporters sont un peu étonnés, mais se disent qu’après tout, Le Mans est le club qui a révélé Didier Drogba. Pourquoi ne pas croire à une bonne surprise ?
Remplaçant surprise de Fiorèse fin août 2004
Le 31 août, à un quart d’heure de la fin du mercato, les deux clubs tombent finalement d’accord et le transfert est entériné — en même temps que l’arrivée de Charles-Édouard Coridon. Mais le premier contre-temps de la carrière parisienne de Pancrate est arrivé avant même sa signature : Fabrice Fiorèse s’en est allé à l’OM, sans laisser vraiment le temps au PSG de se retourner. Du statut de joueur remplaçant qui va découvrir tranquillement le très haut-niveau et la pression parisienne, Pancrate va donc se retrouver très vite propulsé titulaire dans le couloir droit.
Le natif de Paris débute avec le PSG à la mi-septembre, en Ligue des Champions face à Chelsea. Il rentre en fin de match, dans une rencontre où le PSG est mené 3-0. Évidemment, il ne renverse pas la vapeur, mais sa rentrée sur son côté droit est pleine de tonus est assez prometteuse. Ses premières titularisations le confirment : il marque du gauche à Lens, d’un centre-tir à Bastia — match au cours duquel il délivre aussi une passe décisive —, de la tête à Ajaccio… Il finit l’année 2004 en ayant marqué 6 buts toutes compétitions confondues, et effectué 2 passes décisives. Personne ne semble être mécontent de lui ; avec la blessure de Rothen, et les méformes de Yepes et d’Armand, Pancrate n’est pas loin d’être la recrue la plus utile du club. Il affiche un profil différent de Fiorèse, un peu plus vif, plus physique, plus buteur, mais malheureusement moins centreur.
Le joueur — qui, rappelons-le, devait à l’origine jouer les doublures — est probablement en sur-régime. Sa deuxième partie de saison est bien moins bonne, et avec l’éviction de Vahid Halilhodzic, remplacé par Laurent Fournier, il ne joue plus énormément. Le nouveau coach du PSG lui préfère sur le côté droit Reinaldo ou Semak. Pour l’instant, Pancrate est encore épargné par ceux qui ont toujours besoin d’avoir sous la main un joueur du PSG à critiquer, ceux-ci préférant mettre toute leur énergie à siffler Coridon et Reinaldo, et à réclamer les rentrées de Ljuboja et Benachour…
2005/2006, un remplaçant aux stats honnêtes
Toujours est-il que Pancrate commence sa deuxième saison vraiment dans la peau d’un remplaçant, mais cette fois-ci d’un attaquant remplaçant. Laurent Fournier n’étant pas un adepte du turn-over, Pancrate ne débute que lorsqu’un attaquant est suspendu. Notamment à Saint-Étienne, où il se distingue par un contrôle raté alors qu’il allait se présenter seul face au gardien, entraînant ainsi une expression d’indignation sans équivoque sur le visage du coach parisien. Ses qualités techniques considérées comme un peu justes commencent d’ailleurs à être le sujet de pas mal de moqueries : même Pauleta s’y met dans une vidéo pour Joga Bonito. Son seul fait d’arme durant cette période : un match de coupe de la Ligue face à Troyes où il réalise trois passes décisives.
Pancrate doit donc se contenter de bouts de matches, et son agent devient très actif à l’approche du mercato d’hiver. Il est sur le point de signer à Auxerre quand Laurent Fournier est remercié. Guy Lacombe rejoint alors le PSG, et bloque le transfert du joueur qu’il avait connu à Guingamp. Il le titularise même pour sa première rencontre face à Sochaux, et Pancrate est décisif en marquant le deuxième but d’une victoire 3-1. Il continue le mois de janvier sur les mêmes bases, inscrivant deux autres buts : le but de la victoire à la 94e minute de PSG-Troyes, et le but de l’égalisation contre Saint-Étienne d’un très joli ciseau acrobatique.
Pancrate est alors un peu plus souvent titulaire, sans être indiscutable. Mais c’est en coupe de France que son apport devient réel. D’abord sur le terrain, il remplace au pied levé Kalou face à Nantes, et marque le premier but de la rencontre en dribblant Landreau. Dans les vestiaires également, son rôle est important. Muni d’une caméra, il filme les coulisses des derniers matches de cette compétition — non pas pour se lamenter de sa condition de remplaçant, comme Dhorasoo, mais avec le sourire, pour offrir de bons souvenirs à ce groupe. Et l’air de rien, c’est ce genre de détails anodins qui peuvent contribuer à amener une équipe très haut. Le PSG remporte finalement la coupe de France face à l’OM ; Pancrate ne joue pas ce soir-là, mais semble afficher un très bon état d’esprit.
C’est d’ailleurs une constante durant tout le parcours parisien de Pancrate : il a connu quatre entraîneurs différents, et n’a été que rarement un titulaire régulier. Pourtant, là où d’autres auraient eu des relations conflictuelles avec un coach, se seraient plaints d’un manque de respect, ou auraient évoqué une sombre histoire de pourcentage de leur forme, lui ne moufte pas dans la presse. Il se contente de faire son métier, s’entraîner et rentrer sur le terrain comme il peut. On peut lui faire tous les reproches sur son niveau de jeu, mais question état d’esprit, Pancrate n’est pas loin d’être exemplaire.
Blessure à Séville, échec à Sochaux
Quoi qu’il en soit, en août 2006, l’ancien Muciste début sa troisième saison parisienne. Il est titulaire pour le premier match, perdu, face à Lorient, lors duquel il marque un but. Mais par la suite, Lacombe ne le titularise qu’avec parcimonie, lui préférant assez régulièrement les recrues Frau et Diané. C’est en coupe de la Ligue qu’il réalise sa meilleure performance en inscrivant un but, à nouveau face à Lorient. Bref, Pancrate est un remplaçant qui rend quelques services, et il semble prêt à continuer dans ces dispositions. Mais en janvier, Paul Le Guen remplace Guy Lacombe. L’ancien coach des Rangers annonce d’emblée qu’il ne compte pas sur lui ; durant le mois de janvier, il ne l’intègre à aucun de ses groupes.
Pancrate accepte alors d’être prêté au Real Betis (Séville), qui est lancé dans une opération maintien par Luis Fernandez. Pour son premier match, il rentre à un quart d’heure de la fin et donne la victoire à sa nouvelle équipe, sur son premier ballon. Des débuts en fanfare qui resteront malheureusement sans suite : quelques matches plus tard, il se blesse gravement. Sa saison terminée prématurément, il rentre en France pour se faire soigner.
En juillet 2007, il s’entraîne avec le PSG, mais Le Guen n’a pas changé d’avis : il ne compte pas sur lui. Invité à se trouver un club, Pancrate est prêté une saison à Sochaux (L1). L’expérience n’est malheureusement pas très concluante. Pancrate dispute 18 rencontres — moins qu’au PSG —, et marque un seul malheureux but. Sochaux n’insiste donc pas avec ce joueur et ne fait pas jouer son option d’achat. En juillet 2008, il retrouve donc le Camp des Loges et Paul Le Guen, qui lui tient un discours invariable : mieux vaut qu’il monnaye ses talents ailleurs.
2008/2009 : Le Guen change d’avis
Pourtant, cette fois-ci, Pancrate sent qu’il a un coup à jouer. Les incertitudes sur le secteur offensif parisien sont bien réelles : Pauleta est parti à la retraite, personne ne sait ce que vaut Hoarau, Giuly arrive tard dans la préparation, il n’est pas encore question de Kezman, et Luyindula sort d’une très mauvaise saison. Pancrate réalise alors une très bonne préparation et d’excellents matches amicaux : il inscrit quatre buts, dont un beau doublé à Lisbonne face au Benfica. Le Guen, qui avait indiqué la sortie trois fois de suite à ce joueur, change finalement d’avis : Pancrate fera la saison 2008/2009 sous le maillot parisien.
Il débute la première rencontre de championnat, puis rentre quasiment à chaque match. Ses prestations sont d’ailleurs très encourageantes, si bien qu’au moment où Giuly est blessé, Le Guen n’hésite pas à faire de l’ancien Manceau son titulaire côté droit. Cela marche plutôt bien, puisque Pancrate est buteur à Monaco en coupe de la Ligue, face à Lorient, et réalise une belle prestation lors de la victoire au Vélodrome. Il profite également du temps de jeu accordé à certains remplaçants en coupe d’Europe pour faire des matches solides, notamment face à Santander. Bref, le numéro 12 parisien remplit alors parfaitement le rôle qui devait être le sien quatre ans plus tôt : celui d’un remplaçant qui ne fait pas tâche lorsqu’il rentre en jeu, et qui pallie avec sérieux l’absence du titulaire. Même sur le côté droit, son implication défensive paraît exemplaire par rapport aux relâchements du titulaire du poste.
Cependant, avec la pression des résultats qui grandit, Le Guen fait de moins en moins appel à ses remplaçants durant la deuxième partie de saison. Pancrate ne dispute plus que des bouts de matches, et ses rentrées sont de moins en moins convaincantes, même si tout dans ses propos et son attitude laisse à penser qu’il se sent toujours pleinement concerné par les performances parisiennes. En fin de contrat en juin 2009, il n’est pas conservé par le PSG. Il se retrouve pour l’instant encore sans club, même s’il a fait plusieurs essais en Angleterre.
Fin de l’histoire de Pancrate au PSG. Alors bien sûr, il ne s’agit pas d’un joueur historique, qui aura marqué l’histoire du club. Il s’agit même d’un joueur relativement quelconque qui n’avait pas de quoi faire rêver les foules. Pourtant, ce joueur, né à Paris, a porté le maillot du PSG durant trois ans et demi. Son bilan : des prestations globalement honnêtes, et un état d’esprit jamais pris en défaut. Peut-être était-il trop limité techniquement pour Paris, mais Pancrate a au moins eu le mérite de rendre service quand le club a eu besoin de lui, sans lui nuire quand il fut cantonné à un poste de remplaçant. Un profil toujours intéressant pour un entraîneur. Tout le monde ne peut pas en dire autant…