Nicolas Mathieu a 25 ans ; il est père d’une petite fille de deux ans — « elle chante Allez Paris, mais elle ne dit pas de gros mot », nous raconte-t-il fièrement.
Jeudi 19 août, il était en tribune Auteuil pour assister au match PSG-Maccabi Tel-Aviv. Il s’est fait expulser du stade après avoir prononcé une insulte à l’égard d’un steward. Il affirme que celui-ci s’est rendu coupable de violences volontaires, dans les coursives, avant de le mettre dehors. Le « certificat initial de constatation de lésions » établi par le service des urgences de l’hôpital d’Évry, que nous avons pu consulter, mentionne une incapacité totale de travail de 3 jours en raison de « céphalée frontale avec ecchymose du cuir chevelu de la région fronto-pariétale gauche, douleur de la joue gauche avec hématome local, douleur de la région dorsale droite et douleur du genou gauche ».
Samedi, Nicolas Mathieu a déposé plainte à la gendarmerie de Bondoufle contre le steward qu’il accuse de violences volontaires et contre les responsables du PSG, comme en atteste le procès-verbal d’audition dont nous avons pris connaissance. Il nous raconte sa version des faits, confirmée — en ce qui concerne les scènes s’étant déroulées en tribune — par deux témoins que nous avons également rencontrés.
De l’insulte au dépôt de plainte pour violences
J’assistais au match avec des amis en tribune Auteuil rouge. Nous étions positionnés sur le côté droit de la tribune, à proximité de la tribune F. Au début du match, un steward nous a demandé de nous déplacer d’une rangée, puis à nouveau de deux rangées supplémentaires. Nous nous sommes exécutés. Quelques Parisiens ont alors commencé à interroger les stewards pour savoir pourquoi les supporters du Maccabi Tel-Aviv semblaient libres de déployer des bâches, des banderoles, des drapeaux, des fumigènes… De mon côté, j’ai juste dit à deux supporters qui parlaient avec les stewards : « Ça ne sert à rien de parler avec eux, leur responsable c’est ce fils de pute ». Le steward en question était très haut, il n’a pas pu entendre. Quelques instants plus tard, les stewards ont voulu extirper le supporter qui leur posait des questions. Il n’a pourtant prononcé aucune insulte, aucun gros mot, il voulait juste savoir pourquoi les supporters adverses avaient le droit d’avoir des drapeaux. À ce moment-là, j’ai dit : « Pourquoi vous le prenez ? Il n’a rien fait, c’est dégueulasse. » Le steward m’a alors attrapé les mains, il s’est rapproché de moi et m’a demandé : « Alors comme ça je suis un fils de pute ? », puis il m’a mis une grande claque. Devant tout le monde. Une quinzaine de supporters se sont levés, ils ont commencé à intervenir pour me défendre… Dans le mouvement de foule, les stewards m’ont tiré, mon dos a failli craquer, mes genoux étaient complètement coincés entre les deux sièges. J’ai demandé aux gens de se calmer, de laisser tranquille celui qui m’avait mis une baffe. D’autres stewards sont arrivés, ils étaient une grosse dizaine au total, et m’entouraient complètement.
Lors du tournoi de Paris, j’avais déjà été sorti des tribunes parce que je chantais debout. (voir le témoignage de Laurent, à qui était arrivée la même mésaventure) Je pensais que ce serait pareil, qu’on allait monter cinq minutes puis que je pourrais redescendre en tribune, puisque je n’ai rien fait de mal. En fait, le steward voulait m’emmener dans les toilettes avec un de ses collègues. D’autres n’ont pas voulu, donc il m’a collé contre le mur, dans les coursives. J’étais tenu de toutes parts, et il était en train de m’insulter de tous les noms d’oiseaux. Je lui ai dit mot pour mot : « Ça ne sert à rien de crier, je n’ai pas peur de toi ni de tes collègues, je n’ai peur que de Dieu. » Il m’a asséné un grand coup de talkie-walkie sur la tête ! Je lui ai répondu : « Et en plus tu frappes, alors que tes collègues me tiennent ? Tu n’es pas un homme. » En me retournant, j’ai vu qu’il y avait des gens, notamment un couple ; je leur ai demandé s’ils avaient vu, ils m’ont répondu, devant les stewards : « Oui, nous avons tout vu. » Un steward qui m’avait déjà défendu m’a invité à le suivre, ce que j’ai fait, tenu par quatre de ses collègues. Arrivés à la barrière pour sortir du stade, celui qui venait de me frapper à la tête m’a lâché et m’a donné un grand coup de poing par derrière en me disant : « Tiens bâtard, maintenant dégage d’ici. »
J’ai couru vers les deux policiers qui étaient devant, je leur ai demandé de me confirmer qu’ils avaient bien vu, mais l’un d’eux m’a répondu : « Nous ne sommes pas policiers mais agents de la voirie, et je n’ai rien vu. » Et ils sont partis. Ensuite des CRS m’ont aperçu : ils m’ont contrôlé durant près d’un quart d’heure pour vérifier que je n’étais pas interdit de stade. J’ai ensuite demandé à tous les policiers devant le stade où se trouvait le commissariat le plus proche pour porter plainte, mais personne n’a pu me renseigner… Je suis finalement parti au commissariat de Boulogne-Billancourt. Ils m’ont dit clairement qu’ils ne prendraient pas de plainte contre le PSG, que si je voulais porter plainte ce serait seulement contre le steward qui m’a mis les coups, mais pas contre les responsables du PSG. J’ai expliqué que si un vigile de Carrefour me frappait, je porterais plainte contre son employeur. Ils m’ont répondu : « Soit vous déposez plainte contre le steward, soit nous ne prenons pas votre plainte. »
Une policière m’a alors donné l’adresse du commissariat du 16e arrondissement de Paris. Là, on m’a dit que j’avais le droit de porter contre les responsables du PSG ou le PSG, mais ils ne pouvaient pas prendre ma plainte tout de suite. Ils m’ont expliqué que je pouvais le faire dans toute la France, donc je suis allé au commissariat d’Évry le lendemain, où on m’a dit que c’était grave et on m’a recommandé d’écrire au procureur de la République pour être sûr que la plainte aboutisse — je vais le faire dans les jours qui viennent. Ils n’ont pas refusé de prendre la plainte, mais ils m’ont conseillé d’aller à la gendarmerie de Bondoufle parce que je dépends de là-bas. C’est donc là que j’ai déposé plainte contre les dirigeants du PSG et contre le steward auteur des coups. C’était un gage de sécurité, car aujourd’hui [l’interview a été réalisée dimanche, avant PSG-Bordeaux] je me retrouve dans la même tribune, et il y aura le même steward… Je me suis laissé frapper plusieurs fois. Maintenant, ça suffit. Certains stewards, que j’ai connus en faisant des déplacements, m’ont d’ailleurs conseillé de venir les voir s’il y avait le moindre problème, même un mauvais regard [1].
Des antécédents ?
Je n’ai aucun antécédent de violence, ni avec les stewards du PSG en général ni avec celui qui m’a frappé jeudi en particulier. En revanche, lors du sit-in qui a suivi le match PSG-Montpellier en mai dernier, je l’avais déjà vu frapper un supporter sans raison. C’était l’un des trois ou quatre stewards qui donnaient des coups de poing aux supporters pour les déloger des tribunes vers 2h30, au lieu de discuter comme tous leurs collègues.
Au tournoi de Paris, je faisais partie des trois supporters qui s’étaient faits sortir parce que nous chantions et que nous étions debout (voir le témoignage de Laurent). Lorsque nous étions dans les coursives, les stewards nous avaient menacé : « On va vous sortir avec pertes et fracas, vous allez dégager d’ici ! » De mon côté, je leur disais : « Mais c’est honteux ! Vous nous expulsez parce qu’on chante… » Les RG nous disaient qu’ils ne comprenaient pas pourquoi nous avions été expulsés, ils estimaient que c’était n’importe quoi. Quand les stewards ont sorti un autre supporter, un des RG m’a fait un clin d’œil pour me dire de retourner en tribunes, ce que j’ai fait. L’histoire s’était donc arrêtée là. Cette fois-ci il n’y avait pas de RG dans les coursives, mais il y avait des responsables du PSG, qui portaient un costume avec le logo du club. Sauf que, lorsque je leur parlais, ils tournaient la tête… C’est vraiment du grand n’importe quoi.
Je ne l’ai pas insulté ce steward, je m’adressais à deux supporters. Et quand bien même l’aurais-je insulté, cela ne l’autorise pas à me frapper ! Ce sont des professionnels, ils pouvaient parfaitement me faire une clé de bras et me sortir calmement, sans me mettre des coups par derrière et proférer des menaces contre moi… Mais je tiens à dire que je n’en veux pas à tous les stewards. Au contraire ! Heureusement que certains d’entre eux sont intervenus, sinon j’aurais pris encore plus de coups. C’est vraiment quelques uns qui se prennent pour des cow-boys. D’ailleurs, une fois que j’étais dehors, certains stewards sont venus me parler. Ils m’ont tous dit la même chose : « On a des pressions que vous ne pouvez même pas imaginer… »