Interview réalisée samedi 10 juillet 2010.
Nicolas est rédacteur en chef du site asmfoot.fr.
Le parcours de Nenê à Monaco
Formé au Brésil, Nenê a évolué durant quatre saisons en Espagne avant de rejoindre Monaco à l’été 2007. Il y restera une saison, puis sera prêté à l’Espanyol Barcelone en 2008/2009.
Que pensiez-vous de Nenê après son premier passage à Monaco en 2007/2008 ?
Nenê était déjà assez convaincant lors de sa première saison, mais plutôt dans un rôle de passeur — il avait terminé troisième passeur de L1 avec 9 passes cette saison-là. Et on avait déjà pu voir ses qualités sur coup franc, à Bordeaux par exemple. Mais il a eu des problèmes d’ordre relationnel avec l’entraîneur, Ricardo à l’époque. Son départ était alors inévitable. Sa saison à l’Espanyol Barcelone s’est inscrite dans la continuité : il a été plutôt bon dans une équipe qui n’avait pas d’excellents résultats. Mais on ne peut pas dire que ce prêt l’ait changé. Ce n’était d’ailleurs pas un Nenê très différent que l’on a vu revenir d’Espagne l’été dernier. Il a eu une réussite affolante devant le but, tout en développant une grande complicité technique avec Chu-Young Park, un joueur qui n’était pas présent lors de sa première saison. Malgré cela, dans son jeu, il est resté le même.
« Trois premiers mois exceptionnels, puis il a été coupé dans son élan »
Nenê présente des statistiques bien meilleures avant la trêve que lors des matches retour. Y a-t-il eu un moment charnière dans sa saison ?
Au bout de trois mois, il était déjà à neuf buts [en 10 journées]. À l’issue de la rencontre à Bordeaux [le 31 octobre], il a été légèrement blessé. Il a manqué un petit mois de compétition — seulement deux matches —, mais on peut dire que c’est à ce moment-là qu’il a été coupé dans son élan. Par la suite, il inscrira un but sur penalty en décembre et « seulement » quatre autres buts au cours des cinq mois suivants — ainsi qu’un penalty en coupe de France.
Quelles sont les raisons de cette baisse de régime ?
Il ne s’agit pas forcément de raisons collectives, dans la mesure où c’est surtout sur lui qu’a reposé le gros début de saison de l’ASM. Outre le déclenchement provoqué par une blessure, il y a un ensemble d’éléments. On peut penser qu’ont joué : des prises à deux sur lui plus régulières, un individualisme exacerbé et une prolongation de contrat refusée en mars. Il a également quelque peu pris la grosse tête — tout cela est lié —, comme le montre sa récente déclaration où il affirme qu’il aurait été sélectionné au mondial s’il avait joué dans un club plus médiatisé que Monaco [1]. Tout le monde sait que c’est faux.
Comment est perçu son départ à Monaco ?
Son départ provoque une part de déception : comme le dit Guy Lacombe, c’est bien d’avoir un tel joueur dans son équipe. Maintenant, il a émis le souhait de partir et de ne pas prolonger ; vue la situation, on ne pouvait pas vraiment le retenir. Si on l’avait gardé cet été, on n’aurait obtenu aucune indemnité de transfert à son départ en juin 2011. Bordeaux se l’est permis avec Chamakh, Monaco ne peut s’asseoir sur 6 M€ alors que le budget de recrutement est de 0 €.
Que pensez-vous du montant du transfert annoncé ? [2]
Je dirais que c’est on ne peut plus normal compte tenu de la situation : ses six derniers mois décevants, le fait qu’il ait 29 ans [dans une semaine], qu’il soit en fin de contrat dans un an ET qu’il souhaite partir — Monaco n’était donc pas en position de force —, son salaire important — il faut pouvoir assumer ses 2 M€ annuels, cela n’aide pas à le vendre cher —, le besoin d’argent frais qu’a Monaco, et tout simplement la réalité du marché — les indemnités de Briand et Fanni se négocient également à ce prix-là.
En juin dernier, il semblait prêt à rester à l’ASM [3]. La situation a-t-elle évolué cet été, ou ne s’agissait-il que de langue de bois ?
Il n’a jamais été décidé à rester à Monaco. L’été dernier, il ne voulait déjà pas revenir à Monaco, et il avait clairement exprimé sa préférence pour l’Espanyol. Mais le staff a su le convaincre de faire la saison en principauté. Comme il le dit : « C’est Lacombe qui m’a fait revenir, je sais ce que je lui dois. » Après, durant la saison dernière, il a souvent fait comprendre que son souhait était de disputer une coupe d’Europe. S’il a dit dans la presse qu’il pensait rester, oui c’était de la langue de bois étant donné qu’il avait refusé une prolongation de contrat en mars. Malgré cela, on peut ressortir une chose qui l’a décidé à partir : la finale de coupe de France. En somme, il a choisi le vainqueur — et donc l’européen…
Quel souvenir laissera-t-il à Monaco ?
Je pense que ce qui a le plus marqué les supporters, ce sont les coups francs directs du Brésilien. Il en a inscrit cinq cette saison — record du dernier exercice de L1 —, et déjà deux lors de sa première saison, sur sept buts toutes compétitions confondues.
Le profil de Nenê
Quelle importance Nenê avait-il dans le jeu de l’équipe monégasque en 2009/2010 ?
Il attire le ballon : quand il est sur le terrain, le jeu est souvent déséquilibré et penche à gauche. Il était déjà le leader technique de l’équipe au début de la saison, et sa réussite spectaculaire a encore renforcé ce statut. Mais l’ASM a peut-être justement trop compté sur ses exploits.
Dans quelle configuration tactique est-il le plus à l’aise ?
Il peut évoluer dans plusieurs rôles. Le plus souvent, il a joué comme milieu gauche dans un 4-2-3-1, mais il a également évolué en soutien de l’attaquant de pointe, en faux numéro 10. Compte tenu de son efficacité devant le but, je dirais qu’il peut aussi être bon dans un autre système comme le 4-3-3, en le plaçant comme ailier gauche. En revanche, le positionner à un poste plus reculé — relayeur serait tentant — serait à mes yeux une mauvaise idée : l’éloigner du but, c’est se priver de lui dans la zone de décision. Par ailleurs, vu son individualisme, plus il perd le ballon loin de son propre but, mieux c’est. Il est à noter que Nenê est le joueur à avoir perdu le plus de ballons en L1 la saison dernière : 24,4 par match.
Quels sont les profils des joueurs qui lui conviennent le mieux ?
Comme tout joueur technique, il s’entend bien avec des joueurs qui savent manier le ballon. À Monaco, cela a surtout été flagrant avec Chu-Young Park. De plus, Park est un joueur intelligent, qui fait beaucoup d’appels et ne compte pas ses efforts. Avec un joueur comme Erding, le courant devrait bien passer sur le terrain. On a également pu voir l’exemple inverse avec Djimi Traoré, le latéral gauche. Il montait trop peu souvent, et son déchet dans les passes était inimaginable. Lorsque Muratori a occupé le poste, avec des dédoublements possibles, c’était bien plus intéressant pour Nenê.
« Très efficace devant le but, excellent tireur de coups de pieds arrêtés, combatif, parfois nerveux et de plus en plus individualiste »
Ses statistiques indiquent un grand nombre de frappes, supérieur à celui des attaquants monégasques. Comment cela s’explique-t-il ?
Il a souvent été le joueur monégasque à tenter le plus de choses, à revenir plus bas pour prendre des ballons et essayer de forcer la décision. Mais cela a aussi révélé son égoïsme, la principale raison de ce nombre de frappes très élevé. Le fait qu’il tire souvent les coups francs directs joue également. Ce constat était tout de même moins présent lors de sa première saison sur le Rocher, durant laquelle il s’était mué dans la peau d’un passeur plus que dans celle d’un buteur. Pour Hoarau notamment, qui pourrait profiter de ses centres, il vaudrait mieux que Nenê frappe moins pour se fondre dans le collectif. Mais ce n’est pas gagné…
À quoi peut-on s’attendre concernant les corners ?
Nenê est un bon joueur sur coups de pied arrêtés, directs comme indirects. Comme tous les joueurs qui en tirent, il a du déchet, mais le plus souvent ils sont quand même intéressants à disputer pour les joueurs situés dans la surface. Au début de la saison dernière, on pouvait penser qu’avec Puygrenier cela pourrait faire des étincelles : ce dernier a inscrit ses trois buts de la tête, à chaque fois sur une phase arrêtée frappée par Nenê.
Sa propension à se laisser tomber pour obtenir des fautes commence à faire parler…
À partir du moment où il ne faisait plus la différence face à ses adversaires, il a davantage accentué les contacts, au point de tomber également lorsqu’il n’y avait rien. Ce n’est pas uniquement une histoire de période, on le ressent continuellement, mais c’est plus mis en valeur à certains moments. Statistiquement, il a été le joueur à subir le plus de fautes la saison passée : 164 contre 133 pour Hazard. Mais c’était plus important encore sur la première partie de saison ; au bout d’un moment, les arbitres se sont méfiés davantage et sont moins tombés dans le panneau lorsqu’il n’y avait rien. Certaines fois au détriment du joueur, mais c’était tout de même souvent à raison.
Il a reçu 7 cartons jaunes dont 3 pour contestation. Cela signifie-t-il quelque chose sur son comportement en match ?
Il a un état d’esprit de gagneur, et il est assez râleur. Il ne conteste pas forcément toutes les décisions arbitrales, mais il peut facilement se montrer nerveux. Cela s’exprime par exemple par des gestes d’humeur — comme son coup de coude en match amical mardi dernier — ou le fait de rester au sol pendant que le jeu continue. Malgré tout, Nenê reste un joueur qui se donne sur le terrain et qui ne rechigne pas à faire des efforts — surtout offensifs néanmoins.
Le voyez-vous réussir à Paris ?
Certains supporters monégasques estiment qu’il va se ramasser au PSG, à l’instar d’autres joueurs qui ne sont plus aussi bons qu’avant lorsqu’ils rejoignent la capitale. Mais je pense que c’est aussi un souhait partisan de supporters qui vont désormais le considérer comme un adversaire. Personnellement, je ne pense pas qu’il sera en situation d’échec cette saison ; il devrait rester titulaire sur le côté gauche. Mais je ne le vois pas parmi les meilleurs joueurs du championnat.