Surlendemains de défaite… Vous connaissez le topo : buts casquettes, révolte inexistante, des joueurs qui mouillent plus le maillot sur les dance floor en semaine que sur la pelouse du samedi soir… Effet gueule de bois garanti pour le supporter. Paris qui perd, encore. Au Parc, encore ! Contre une équipe à sa portée, toujours…
Les rêves de Ligue des Champions qui s’envolent. Même si tout n’est pas perdu, et même s’il faudrait continuer à y croire parce qu’après tout, une toute petite chance sur mille, ça se tente, non ? Le moral n’y est plus. Et ce classement dans lequel il faut chercher la défaite d’un club honni pour trouver un pseudo motif de satisfaction. Histoire de cacher que l’étude de notre propre cas vous donne une sensation à la Tavlaridis : le fameux effet « j’ai les chaussettes plombées ». Sans parler des collègues, tous bobos hier mais qui aujourd’hui se découvrent des racines provinciales, revendiquent leur amour de la terre vraie, et un soutien indéfectible au monde paysan. Luttons contre l’oppresseur parisien. Rapport avec le foot ? Sais pas. Puis il y a la presse… La presse ! Ce coup-là ça y est, on n’y coupe plus, les gros caractères sont de sortie : il faut virer l’entraîneur.
Il faut virer l’entraîneur ? À deux journées de la fin, et alors qu’il ne sera pas reconduit ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire encore ?
Oh, mais c’est que nous ne sommes plus en mai 2008 ! Non, Le Guen est parti depuis bien longtemps… Paris a recommencé une saison, plein d’espoir, après un mercato limité mais ambitieux — enfin c’est ce qu’on vous a dit. La routine quoi, vous savez ce que c’est ! Le PSG a ensuite connu un départ en demi-teinte… mais l’entraîneur a appelé à la patience. Quelques victoires qui laissent croire que… puis une série de défaites qui vous ramène au fond. Une campagne européenne difficile, que le coach dédramatise — parce que le championnat avant tout. La blessure d’un joueur clef, un match charnière raté. Luis Fernandez de retour ? Après, c’est le classique : crise hivernale, rumeurs de scission dans le vestiaire, interview-vérité du joueur mal-aimé. Et enfin, retour à la case départ : les articles qui expliquent pourquoi le président doit se séparer du coach.
Ce qu’il y a de bien avec le Paris Saint-Germain, c’est qu’après quelques années d’expérience, ces articles, on pourrait presque vous les écrire à l’avance ! Alors bien sûr, tout dépend du nom de l’entraîneur. Mais après, ça roule ! Vous proposez le coach, on vous donne le pamphlet. Des exemples ? Autant ne pas parler dans le vide : on nous évoque Denoueix et Kombouaré pour relever Le Guen… Très bien. Alors voilà pourquoi, dans six mois ou dans un an, il faudra virer Denoueix ou Kombouaré.
Paris a donc perdu samedi dernier. Vous vous rendez au boulot et ouvrez non sans appréhension votre quotidien préféré, assis sur le siège vaguement collant d’une rame de métro bondée. Il fait chaud, vous transpirez et votre estomac vous signifie clairement qu’avoir repris des Chocapic relevait de la mauvaise idée. Page 3, la spéciale PSG. Vous vous calez sur la banquette (restent cinq stations avant le changement). Attention les yeux, c’est parti ! Bonne lecture…
Raynald Denoueix et le BJP
L’homme, volontiers discret et réservé, n’aime pas exprimer ses sentiments en public. C’est pourtant le regard froid et la mine sévère que Raynald Denoueix a rejoint la salle de presse après la défaite du Paris Saint-Germain. Une fois encore, le coach parisien a tenu à ne pas accabler ses joueurs : « J’ai senti les gars soucieux de bien faire, impliqués. Mais quand ça ne veut pas, ça ne veut pas… » Des explications qui ne peuvent cacher le malaise qui règne dans le vestiaire parisien après cette défaite, la quatrième à domicile en deux mois. Un malaise cruellement illustré par la pâle copie rendue par les hommes de l’ancien coach nantais.
Quand un journaliste ose demander au natif de Rouen ce qu’il pense de la prestation d’un Makélélé de nouveau fantomatique comparé aux Lorientais virevoltants, Denoueix transperce l’impudent de son regard bleu, renforcé par la monture acier de ses lunettes de professeur d’école. Le ton est sec, la leçon fuse : « Je connais Claude depuis 1991, son implication n’a jamais été et ne sera jamais à mettre en cause. Il faudrait être tordu pour ne pas être capable de s’entendre avec ce genre de “mec” et de jouer avec lui. Dans le jeu, sa première qualité, c’est d’être collectif. Grand récupérateur de ballons, Claude est capable d’apporter ce plus dans les déplacements, les replacements et dans l’aspect mental. Il a un rôle prépondérant. Quand ça va moins bien, il est capable de remettre un petit coup… Il guide aussi, réconforte. C’est important. Choses que ne font peut-être pas les joueurs plus jeunes. » L’entraîneur ne tarit pas d’éloges sur son protégé. Seulement voilà, Paris n’est pas Nantes, et si Denoueix peut encore compter sur le soutien d’Armand et Landreau, rien n’est moins sûr en ce qui concerne le reste du groupe parisien.
À la traîne au classement, déjà quasiment éliminés en Ligue Europa, certains joueurs du PSG, Giuly en tête, éprouveraient de plus en plus de difficultés à cacher leur inquiétude. Paris s’enfonce, et Denoueix semble refuser de le voir, persistant à préférer son Makélélé vieillisant à un Chantôme pourtant en pleine bourre toute la semaine lors des entraînements.
Dans les couloirs du Parc, les oreilles du coach doivent siffler. Certains dirigeants ne se gênent plus pour rappeler sous couvert d’anonymat quelques souvenirs trop vite évanouis : « À Nantes déjà, il avait mal fini. Il ne faut pas oublier que lorsqu’il se fait virer, le FCNA pointe à la dernière position, avec à peine 16 points en 19 journées ! Ils disent qu’ils sont prêts à le reprendre pour remonter en L1, mais ils ont oublié qu’avec lui c’est dès 2002 qu’ils seraient descendus ! »
Pourtant, à la fin de l’été, l’ancien Nantais semblait avoir trouvé la clef de l’effectif parisien : des joueurs mobiles, une organisation fluide, un véritable beau jeu à la parisienne (BJP ©). Alors comment expliquer le match d’hier, où les coéquipiers de Guillaume Hoarau — toujours muet depuis 6 rencontres — ont été balayés par la bande à Gameiro, une nouvelle fois décisif ? Une véritable claque pour l’entraîneur qui dit prôner un jeu offensif.
Il est désormais bien loin le temps où Denoueix offrait ses brillantes analyses aux studios de télévision. Sage aux cheveux blancs, look d’instituteur de province à la retraite, son avis prenait alors valeur de verdict définitif. Sévère mais juste, sous ses airs de père tranquille, Denoueix ne faisait pas de cadeau. D’aucuns diraient que depuis qu’il s’agit de commenter ses propres choix — et ses propres erreurs ? —, l’ancien consultant de Canal+ est nettement moins disert.
Un point de vue que tempère Christian Gourcuff, beau joueur. Le coach de Lorient — qui, grâce à cette victoire, revient à 3 points du PSG — soutient son collègue : « Je n’aime pas parler des autres entraîneurs. Raynald avait coupé depuis 2004. Cinq ans dans le football moderne c’est très long. Suivre un match derrière un écran, ce n’est pas la même chose que sur un banc. Raynald est un grand entraîneur, il a très bien réussi par le passé avec des effectifs pourtant moyens. Je lui souhaite de relever la tête… mais une fois que Lorient aura doublé Paris ! »
On peut toutefois se demander quelle part de ce plaidoyer relève plus du réflexe de soutien poli entre collègues se sachant dépendant des décisions de leurs présidents. Car si Denoueix a bien mené les jeunes canaris de Nantes au titre de champion de L1 en 2001, et la modeste Real Sociedad à deux petits points de l’ogre madrilène, en 2003, ce que Gourcuff omet de rappeler c’est que chaque fois, cette réussite fut aussi remarquable qu’éphémère. Licencié sans ménagements après vingt ans de bons et loyaux services dans la maison nantaise pour cause de classement abyssal, Raynald Denoueix devra revivre une longue et bien involontaire séance de spéléo à San Sebastian. Qualifié en Ligue des Champions suite à son incroyable parcours, et ce un an à peine après l’arrivée du technicien français, le club de la Real Sociedad connaîtra dans la foulée une saison cauchemardesque. Saison sanctionnée par une piteuse quinzième place [1]. Mais ce sont surtout les deux humiliations par un score de 4 à 0 qui plomberont le bilan de l’ancien canari. Les supporters basques lui auraient peut-être pardonné la déroute à domicile face au Bétis Séville, mais pas la gifle reçue face à l’Atletico Madrid, symbole honni de l’autorité castillane…
L’entraîneur du PSG, que l’on dit mal à l’aise face à un vestiaire en partie composé de jeunes joueurs qu’il ne comprendrait pas — génération Sessegnon–Sakho–Arnaud —, rappelle que Paris a encore plusieurs challenges à relever : « Tout n’est pas perdu : même si la lutte pour les places européennes via le championnat est un peu compromise, il nous reste encore les coupes ! Avec Nantes nous avions réussi à accrocher la coupe de France à deux reprises, alors que nous étions mal classés en L1. Pourquoi ne pas le refaire avec Paris ? » Sauf qu’à Paris, les supporters n’ont pas la même patience qu’à Nantes. Ce sont déjà des torrents de sifflets qui ont ramené les joueurs parisiens au vestiaire après leur défaite face à Lorient. Sauf, aussi, que ces trophées, Nantes les a remportés lors de finales disputées face à Sedan et Calais. Pas sûr que le PSG puisse espérer n’être confronté qu’à des adversaires aussi complaisants. Et sauf, surtout, que ces victoires en coupes, le coach aux lunettes de métal froid oublie de préciser qu’elles remontent à plus de dix ans…