Les enseignements du match
Paris a perdu, donc Paris a mal joué, donc c’est la crise. Voilà qui résume, en substance, l’essentiel des commentaires de la presse spécialisée au lendemain de la défaite du PSG à Nancy. « Cela s’appelle une crise ! », lance ainsi Dominique Sévérac dans le Parisien. Pourtant, il serait peu judicieux de se borner à cela. Bien sûr, tous les supporters du club désigneront « la » raison à la déconvenue parisienne. Il ne fallait pas tout changer, il ne fallait pas renvoyer Kombouaré, il ne fallait pas faire jouer Camara et Armand qui incarnent les mauvaises années du club, etc. Selon ses lubies personnelles, chacun trouvera une explication évidente.
Ancelotti a procédé pour cette rencontre à quelques choix forts, mais loin d’être dénués de sens. Alex et Thiago Motta étaient blessés, Sakho et Nene mis sur le banc après leur mauvais match contre Bordeaux, et Armand a été préféré à Tiéné. Au final, cela ne fait que trois changements délibérés. Ces changements ont-ils pesé sur la rencontre ? Ce n’est même pas sûr. Si Ancelotti et Leonardo n’ont pas crié au drame au terme de la rencontre, c’est aussi parce que le contenu a été globalement bon. Pas parfait, mais bon.
En première mi-temps, le PSG a eu du mal offensivement, mais a eu davantage le contrôle du jeu. Et finalement, Nancy n’a pu s’en sortir que grâce à un contre — ce qui lui a donné plus d’assurance par la suite. C’était encore plus flagrant en seconde période, où Paris a enchaîné les occasions jusqu’à la 70e minute, contrôlant la partie ensuite, et se faisant prendre sur la seule offensive nancéenne de la deuxième moitié du match. Bien sûr, il n’y a pas à crier au scandale. Paris a glané suffisamment de points ces dernières semaines dans les dernières secondes, après des matches globalement moyens, pour trouver cela réellement injuste. Mais le PSG a surtout manqué de réalisme offensif et défensif dans cette partie. En terme de jeu pur et dur, la prestation du collectif parisien est assez proche de ce que veut mettre en place Ancelotti.
Le milieu à trois a plutôt bien fonctionné et l’apport des latéraux a été très précieux. L’emprise sur la rencontre a été réelle et, finalement, seule l’inconstance des joueurs offensifs a empêché le PSG de faire un match complètement abouti. S’il s’agit de la première défaite en Ligue 1 d’Ancelotti, elle est bien moins inquiétante que les deux derniers matches nuls du club. Le club traverse certes une période avec de moins bons résultats — exactement sur les mêmes matches que Kombouaré à l’aller —, mais une équipe avec si peu de vécu ne peut de toute façon pas vivre toute une demi-saison sans le moindre coup de mou. Avec potentiellement trois points de retard sur le leader, et encore huit matches à jouer, le PSG a encore de quoi se redresser et aller chercher ce titre de champion.
Joueur par joueur
Salvatore Sirigu n’a, pour une fois, pas livré un match exceptionnel. Livré à lui-même sur le premier but, et auteur d’une bonne intervention devant Traoré en fin de première mi-temps, il est en revanche peut-être un peu court sur la réalisation de Mollo. Est-ce dû à un mauvais positionnement initial, à un temps de réaction trop lent ou au terrain synthétique qui perturbe les appuis et la rebonds du ballon ? Toujours est-il que la frappe de Mollo ne paraissait pas impossible à arrêter. En faire le reproche au gardien parisien serait toutefois injuste étant donné le nombre colossal de points que l’Italien a rapporté au club jusque-là.
En défense centrale, Carlo Ancelotti avait donc tout changé. Milan Bisevac retrouvait un place dans l’axe. Son match est difficile à évaluer, le joueur ayant rarement été au cœur des duels. Il a été très bon dans la relance, mais n’était peut-être pas placé idéalement sur les buts encaissés. Zoumana Camara a été bien plus en vue pour sa première titularisation en Ligue 1 depuis le départ de Kombouaré. Dominateur face à ses différents adversaires, il a affiché la solidité qui était sienne en début de saison, avec à la clef de nombreuses interventions autoritaires. Il a cependant le tort de glisser sur le premier but encaissé, permettant à Traoré d’entrer dans la surface.
Sylvain Armand a été préféré à Tiéné sur le côté gauche. L’ancien Nantais a plutôt bien géré sa partie défensive, et s’est montré de plus en plus utile dans le jeu au fil de la rencontre. Beaucoup de ballons passaient par lui, faisant pencher la construction du jeu naturellement à gauche. Assez à l’aise, il a envoyé plusieurs centres, dont celui décisif pour Sissoko. Il adresse ensuite une belle frappe, sur laquelle il se blesse, provoquant sa sortie à un quart d’heure de la fin. Côté droit, Christophe Jallet a beaucoup souffert. La vitesse et la conduite de balle de Mollo l’ont beaucoup gêné et, sur le premier but, il laisse un peu trop de latitude à son vis-à-vis. Offensivement, en revanche, Jallet a fait ce qu’il fallait pour permettre au PSG d’écarter le jeu : il est ainsi le joueur qui a tenté le plus de centres, certains amenant des occasions franches.
Au milieu de terrain, Mathieu Bodmer jouait devant la défense. Il est de bon ton de dire que ce n’est pas son poste, qu’il n’a pas de volume de jeu, et qu’il ne gagne aucun duel. Ce n’est pourtant pas après ce match que ce positionnement-là peut sérieusement être remis en cause. Avec 112 ballons joués, 20 ballons récupérés, et un taux de passes réussies de 85 % — d’après les statistiques de la LFP, Bodmer a rempli son rôle premier dans la formation d’Ancelotti : celui de première rampe de lancement. Si les milieux offensifs ont beaucoup eu le ballon pour un match à l’extérieur, Bodmer n’y est pas étranger. Il a ensuite plutôt bien fermé les trajectoires de passe adverses pour au final un match plein.
Blaise Matuidi a lui aussi été à l’aise dans son rôle de piston côté gauche, prouvant une fois de plus qu’il n’est pas qu’un simple numéro six. Beaucoup de courses dans les deux sens, et une belle présence offensive ; l’ancien Stéphanois marque clairement des points si Ancelotti voulait installer durablement son sapin de Noël. En axial droit, le capitaine Momo Sissoko a effectué une rencontre à peu près similaire, avec beaucoup d’activité et son deuxième but parisien.
Pour ce qui est des milieux offensifs, cela a été un peu plus compliqué. Jérémy Ménez n’a pas été horripilant, cherchant à jouer de façon plutôt ordonnée. Mais c’est paradoxalement en jouant comme cela qu’il ne crée finalement aucun décalage décisif. Il ne gère par ailleurs pas très bien les bons ballons qu’il a eus dans la surface adverse. Javier Pastore a alterné les moments d’absence et les phases où il pesait énormément sur le jeu. En première mi-temps, il n’y arrivait pas du tout — en dehors d’une excellente ouverture pour Hoarau en tout début de rencontre. Puis, lors de la très bonne période parisienne, la quasi-totalité de ce qu’il tentait réussissait. Il est difficile de savoir ce qui l’empêche d’avoir une emprise constante sur une partie.
En pointe, Guillaume Hoarau ayant été fréquemment utilisé dans le jeu long, il a été assez présent. Il se fait tromper par un rebond en tout début de match, et a eu ensuite plusieurs occasions de la tête : trois, pour une seule cadrée, les deux autres passant de peu à côté. Parmi les remplaçants, Sherrer Maxwell faisait son retour, et il a eu le malheur de perdre le ballon qui amorce le contre victorieux nancéen. Kevin Gameiro a touché très peu de ballons, mais il a quand même créé le danger en deux occasions. Enfin Marcos Cearà est rentré en toute fin de rencontre pour évoluer comme milieu de terrain.
Deux penalties oubliés ?
Ce n’est pas cela qui a changé la face de la rencontre et, une fois de plus, il n’est pas question de se lancer dans une pâle imitation de Jean-Michel Aulas. En première période, il y a toutefois eu deux situations où l’arbitre Laurent Duhamel avait de quoi siffler un penalty en faveur de Paris.
Sur la première situation chaude parisienne, Pastore remet à Ménez devant le but. L’ancien Romain reprend le ballon de la tête et le gardien nancéen vient ensuite le télescoper violemment, en étant très en retard sur le ballon. Ce n’est pas très fréquent de siffler sur ce genre de situation, mais cela permet toutefois de rappeler un point intéressant des lois du jeu. Contrairement à ce qu’a assuré Olivier Rouyer dans ses commentaires, le fait que Ménez ait pu jouer le ballon n’a aucune incidence. Au moment où Ndy Assembé percute Ménez, le ballon est encore à l’intérieur du terrain, ce qui, réglementairement parlant, est suffisant pour siffler un penalty si une faute est constatée. Peu importe si Ménez pouvait jouer la balle ou non : si le gardien donne un coup à un attaquant dans sa surface, alors que le ballon est dans le camp adverse, il peut y avoir penalty.
La deuxième situation est encore plus nette : Puygrenier et Sissoko vont sur le ballon, le Franco-Malien le touche en premier et Puygrenier, en ratant son dégagement, fait tomber le milieu parisien. L’arbitre a peut-être estimé que les deux joueurs allaient au duel avec le même excès d’engagement, ou alors que Puygrenier avait tout de même touché le ballon.
La vidéo du résumé du match
Autres infos autour du match
Stats en vrac
Nancy, l’équipe en forme… « Aucune équipe n’a récolté autant de points que Nancy au mois de mars en L1 : 13 en 5 matches (4 victoires, 1 nul) », souligne Opta dans L’Équipe.
… et la bête noire du PSG cette saison ? « Nancy est la seule équipe à avoir battu le PSG deux fois en L1 cette saison », relève Opta.
Tête. « Le PSG a marqué son troisième but de la tête en L1 cette saison, dont deux par Mohamed Sissoko », remarque Opta.
Infos en vrac
Ancelotti a choisi (radicalement) de se passer des joueurs blessés. « Carlo Ancelotti a tranché, lance Arnaud Hermant dans le Parisien. Et pas à moitié. […] Ses choix radicaux trouvent leur explication dans la mauvaise passe sportive de l’équipe mais aussi à cause de ce que la direction du club estime être un manque de professionnalisme dans le comportement de certains joueurs. » Plus loin, le quotidien francilien précise le cas de deux des cinq changements en question : « [Thiago Motta] a ressenti une douleur vendredi lors de la dernière séance d’entraînement. [Alex] a quant à lui fait les frais de son manque d’aisance sur terrain synthétique même si Ancelotti avance un problême (sic) physique. »
L’article de L’Équipe semble lui aussi corrigé à la va-vite une fois les blessures de Thiago Motta et Alex confirmées par le staff parisien à l’issue du match : « Carlo Ancelotti a procédé hier à de nombreux changements significatifs dans son onze de départ. […] [Il] avait opté pour un remède radical, en laissant plusieurs “titulaires” sur le banc — Sakho, Nene —, ou en tribune — Alex, Thiago Motta (qui étaient blessés). » Alors qu’un encadré annonce les blessures de Thiago Motta et Alex page 2, « l’avis de l’envoyé spécial », page 3, n’en tient pas compte : « Ancelotti a eu tort. Carlo Ancelotti a tout changé, hier, à Nancy. […] Quant au message envoyé à tous ceux qu’il a expédiés sur le banc ou en tribune hier, pas évident qu’il soit parfaitement saisi. »
Thiago Motta et Alex incertains contre l’OM. « Alex et Thiago Motta […] avaient des petites blessures, et ils sont indisponibles pour le prochain match », a indiqué Carlo Ancelotti samedi soir, d’après l’AFP.
Réactions
Carlo Ancelotti : « Nous avons perdu un match que nous ne méritions pas de perdre. Nous avons joué un bon match avec un bon état d’esprit, une bonne attitude, un bon football. Nous avons perdu mais je suis très content de la performance de l’équipe et déçu de la défaite. Je pense qu’avec l’état d’esprit et l’attitude de ce soir, on peut être confiants pour les prochains matches. Objectivement, Paris méritait de gagner. Nous sommes encore en course pour le titre. Je ne suis pas inquiet, je l’étais plus après le match de Bordeaux que ce soir. » (source : AFP)
Leonardo : « Je ne suis pas inquiet. On a eu beaucoup d’occasions, on a été pénalisés complètement par le but de dernière minute de Nancy, mais aujourd’hui on s’est très bien comportés. On est très attendus partout, mais c’est normal. On a des résultats mauvais, mais aujourd’hui on compte 60 points comme Montpellier, ça veut dire que c’est difficile pour tout le monde. Aujourd’hui, le résultat n’est pas juste, pas logique, mais il y a encore tellement de choses devant nous, ça va être la guerre comme ça jusqu’à la fin avec Montpellier. » (source : AFP)
Zoumana Camara : « Le foot est parfois cruel, parfois on a moins bien joué et on a ramené des points, aujourd’hui on ne méritait pas du tout de perdre. On monopolisait le ballon. Il faut garder des choses positives, il y en a. Il faut avoir les nerfs solides, garder la tête haute. On voulait gagner, s’imposer, on veut aller au bout, c’est une étape. J’ai appris juste avant le match que j’allais jouer, c’est vrai que ces derniers temps, j’étais entre les tribunes et le banc, ce n’était pas facile à vivre. Franchement, j’étais un petit peu surpris d’être dans les choix du coach. Mais je me tiens prêt et je bosse à l’entraînement. J’ai toujours espoir d’y être quand le coach donne l’équipe. Je ne pense pas que le vestiaire va exploser. » (source : AFP)
Blaise Matuidi : « On est déçu parce qu’on a eu des occasions et on repart avec la défaite. On peut être déçu du résultat mais pas du contenu. On sait que si on continue comme ce soir on aura des jours meilleurs. On a manqué de réalisme défensivement et offensivement. Il faut reprendre confiance. On ne va rien lâcher, il reste huit matches, il n’y a pas le feu. Quand on ne gagne pas, on cogite un peu mais on est encore dans la course. La semaine prochaine [contre Marseille] il y a un match à part, c’est le choc de l’année. » (source : AFP)
Salvatore Sirigu : « On est triste, c’est normal, on a perdu. Mais aujourd’hui je pense qu’on méritait de gagner. On a montré de très bonnes choses sur un terrain difficile. Montpellier a une grosse occasion pour prendre de l’avance. Cela ne sert à rien [de douter], il faut continuer à travailler. Dans ces moments, il existe deux types de personnes, les personnes qui vont se suicider et les personnes qui vont réagir. » (source : AFP)
Côté tribunes…
Affluence. 29 supporters parisiens ont fait le déplacement officiel organisé par le PSG, d’après les chiffres communiqués par la LFP.