Interview réalisée mercredi 9 février 2011.
Camille Vaz, le PSG par rapport aux autres clubs français
La saison 2010/2011, les relations avec le secteur pro, le foot féminin
La saison 2010/2011 des féminines du PSG
L’an passé, le PSG a réussi la performance de remporter le challenge de France — l’équivalent de la coupe de France chez les filles —, tout en terminant troisième de D1. Quels sont les objectifs pour cette saison ?
Les objectifs sont de faire au moins aussi bien que la saison dernière, sachant que celle-ci a été vraiment exceptionnelle en tout point : nous avons vraiment raté l’Europe à pas grand-chose, et nous avons remporté un titre, ce qui n’avait jamais été fait auparavant avec les féminines. Actuellement nous sommes troisièmes en D1 et nous venons de nous qualifier pour les seizièmes de finale du challenge de France. Nous sommes donc toujours dans la course…
Cela risque cependant d’être très difficile de devenir champion de France, Lyon réalisant un parcours sans faute pour le moment [1].
Rattraper les Lyonnaises, d’un point de vue comptable, c’est mission impossible. Mais, il faut constater qu’en l’état actuel, l’Olympique lyonnais s’est doté d’une escadrille de haut vol. C’est vrai qu’aujourd’hui, pour le PSG, l’OL est devant et le mérite, par rapport à la prestation du match retour.
Le score final de cette rencontre [3-0 pour Lyon dimanche dernier] est-il sévère à vos yeux, sachant que vos joueuses ont tenu une mi-temps avant d’encaisser le premier but ?
Le résultat est sévère par rapport à l’investissement des filles, au niveau des forces consenties, mais nous avons concédé beaucoup d’occasions. Nous n’avons pas su réitérer la performance du match aller, où nous leur avions vraiment posé des problèmes.
Ce résultat pourrait-il avoir des incidences sur la suite de la saison ?
Non, cela ne laissera pas de trace. Il faut juste noter qu’aujourd’hui, le PSG a rencontré Lyon deux fois en deux semaines [2]. Ce sont deux gros matches très rapprochés, et les difficultés de mise en place du calendrier ne nous ont pas aidés.
Le calendrier de la L1 est souvent pointé du doigt, mais celui du championnat féminin est également assez particulier…
Oui, c’est vrai que c’est un peu original de jouer un match retour alors que les matches aller ne sont pas terminés. Il y a eu quelques chamboulements, dont la journée précédente qui a été avancée… C’est un peu particulier. Je pense que la FFF rencontre aussi quelques problèmes puisqu’il faut tout faire pour mettre la sélection nationale dans les meilleures conditions pour le mondial, et nous sommes tous derrière cette équipe de France. Les modifications de cette année n’aident clairement pas les clubs, mais il faut retenir que cela permet la mise en place d’un travail au niveau de l’équipe de France féminine.
Parmi vos joueuses, plusieurs sont internationales [Sapowicz, Boulleau, Lepailleur, Bussaglia ou Pizzala notamment]. Pensez-vous que d’autres puissent rejoindre l’équipe nationale d’ici peu ?
Oui, la catégorie U19 qui a été créée cette année va aller dans ce sens. Les jeunes filles vont être davantage mises en avant, et beaucoup plus tôt. Je pense que dans ce groupe-là, le PSG va compter plusieurs filles qui vont pouvoir se hisser au très haut niveau de manière plus structurée. En ce qui me concerne, j’ai le privilège d’avoir des filles qui sont déjà dans les sélections nationales et qui y sont déjà titrées. Donc oui, je pense que nous avons beaucoup de jeunes filles d’avenir au PSG.
- Les féminines du PSG 2010/2011
- Photo Éric Baledent — PSGMAG.NET
Les relations des féminines avec le secteur pro du PSG
Bénéficiez-vous des mêmes locaux que l’équipe masculine ?
Non, nous bénéficions deux fois par semaine des terrains synthétiques de la section amateur, et deux autres fois des terrains en herbe du centre de formation. Concrètement, nous évoluons vraiment sur une structure amateur.
Cela signifie-t-il qu’il y a peu de rapports entre les équipes masculine et féminine ?
Non, il y a des rapports, mais ils sont limités à des repas ou à des consécrations, comme lors du titre de l’année dernière. Nous avons de très bons rapports avec la structure professionnelle, mais aujourd’hui il y a encore deux entités bien distinctes. Après, même si nous ne bénéficions pas de leurs structures d’entraînement, nous sommes beaucoup aidés, soutenus. Il y a une réelle osmose avec les professionnels.
Si les structures sont clairement séparées, qu’en est-il des staffs ?
Au niveau médical, nous avons déjà un staff, mais nous pouvons par exemple bénéficier du docteur Rolland [le médecin du PSG]. C’est plutôt rare puisque nous n’utilisons pas les mêmes installations, mais il a pu nous donner un coup de main sur deux ou trois cas cette année. Malgré la séparation, nous sommes quand même soutenus par la structure professionnelle, tout le monde a envie de voir l’équipe féminine du PSG aller le plus haut possible. C’est une vraie satisfaction. Concernant nos installations, ce sont les mêmes que toutes celles des équipes de D1 féminine à l’exception de Lyon.
Vous arrive-t-il d’échanger avec Antoine Kombouaré, pour parler de tactique par exemple ?
Pas dernièrement, mais nous nous croisons assez régulièrement, notamment lors des repas organisés par les mairies de Paris ou de Saint-Germain-en-Laye. Il n’y a rien de planifié, mais cela peut arriver sans problème. Nous n’avons pas de rendez-vous prévus avec les professionnels puisqu’ils ont un emploi du temps assez monstrueux, mais les contacts que nous avons avec eux sont excellents. Lorsque nous nous retrouvons à manger ensemble ou à nous voir, nous passons toujours de très bons moments. C’est très positif. Et c’est aussi en ce sens que je répète que nous sommes très soutenus par les pros.
Si l’on doit poursuivre la comparaison, les féminines du PSG sont-elles soumises à la même pression que les joueurs de l’équipe masculine ?
Oui. Après je ne sais pas si on peut appeler cela une pression au niveau des résultats — cela signifierait qu’il y a des enjeux médiatiques ou commerciaux alors que ces derniers, même s’ils existent, sont vraiment minimes —, mais nous avons de véritables attentes au niveau de nos ambitions. Il existe un niveau d’exigence important au Paris Saint-Germain, que ce soit le président envers le staff, le staff envers les joueuses, ou les filles vis-à-vis d’elles-mêmes. Nous voulons atteindre un certain niveau de jeu, participer au développement du football féminin, notamment en terme d’image. C’est finalement beaucoup plus centré sur le jeu et sur le football. En réalité, la pression s’exerce sur les aspects externes.
- Jessica Houara
- Photo Éric Baledent — PSGMAG.NET
Le football féminin
Niveau transferts, est-ce aussi difficile de s’attacher les services d’une joueuse que pour les équipes masculines ?
Il y a beaucoup moins de pratiquants, les jeunes filles qui ont des qualités ressortent plus facilement du lot que chez les garçons du fait de cette base qui est un peu moins élargie. Une joueuse de qualité, comme une attaquante qui marque beaucoup de buts par exemple, c’est une caractéristique qui est moins répandue que chez les garçons aujourd’hui. Cela s’explique d’un point de vue mathématique. Après, je n’ai pas le sentiment qu’il y ait des « guéguerres » entre les clubs. Il y a de nombreuses joueuses qui sont attachées à leur club et à leurs valeurs, et c’est vrai que j’ai le sentiment, malgré mon manque d’ancienneté dans le milieu, qu’il y a moins de filles qui vont se balader à droite ou à gauche dans les clubs.
On retrouverait donc les valeurs du rugby avant que ce sport ne se professionnalise ?
Oui, c’est très juste. J’ai toujours dit que j’étais très épanoui dans le football féminin parce qu’il est beaucoup plus épuré, en terme de jeu mais aussi au niveau extra-sportif. L’accueil des équipes lors d’un déplacement, cela me semble beaucoup plus sain puisque les relations sont basées sur de vraies valeurs. Par exemple, nous partageons un pot avec les adversaires lors de chaque rencontre. C’est une coutume très établie, très respectée, quel que soit l’adversaire. cela fait partie des valeurs du football féminin qui sont très intéressantes.
Nous parlions du rugby. Avez-vous l’espoir ou la crainte que le football féminin se professionnalise ? Avec tous les avantages et les inconvénients que cela implique…
Actuellement, dans le football féminin, il y a douze clubs dont quelques uns se détachent. J’ai la chance de faire partie d’un de ceux-là, et j’espère qu’on va finir par arriver à ce type de professionnalisation. Aujourd’hui, quand j’ai quelques filles qui travaillent le mercredi, toute la journée, et qui sont obligées de jouer le soir, on ne peut pas s’attendre à une grosse performance. C’est compliqué. Donc il faut que l’on arrive à une professionnalisation pour satisfaire aux exigences du haut niveau.
Mais avec l’espoir de conserver les valeurs qui vous sont chères ?
Je pense que ce n’est pas incompatible. Moi, je suis un fervent défenseur de l’état d’esprit, du respect de l’adversaire et de tout ce qui fait qu’on puisse s’épanouir à travers le football. Je pense que c’est largement faisable.
Pour participer à cette professionnalisation, on peut imaginer que les matches soient rendus plus accessibles, comme au Parc des Princes l’an dernier face à Juvisy. Les féminines vont-elles rejouer au Parc cette saison ?
Je n’en ai pas eu vent. Ce n’est pas d’actualité mais ce n’est pas impossible. J’ai toujours envie de mettre en avant ces filles, car elles le méritent. Oui, nous aimerions bien revenir jouer au Parc des Princes. Mais nous travaillons au quotidien pour avoir des résultats, et aujourd’hui notre objectif prioritaire est de conquérir une place européenne et d’avancer par rapport à notre projet. Après, je ne suis qu’entraîneur et non manager, et je ne me focalise que sur les résultats. Jouer au Camp des Loges, où nous avons nos habitudes, n’est clairement pas un souci, mais nous aimerions tous pouvoir jouer régulièrement au Parc des Princes. L’an passé, nous avons tout de même fait venir 6 000 personnes lors de la rencontre face à Juvisy, ce qui est absolument génial [3]. Les gens étaient vraiment venus pour voir du football féminin.
Estimez-vous que le football féminin va poursuivre sa progression ?
Il y a un virage important, c’est la coupe du monde cet été. J’espère qu’il y aura une couverture audiovisuelle qui sera à la hauteur de l’événement. Nous avons une équipe de France qui est sans cesse en progression, vraiment de grande qualité, et qui va se frotter aux meilleurs équipes mondiales. Il faut en profiter pour montrer toute la richesse de notre championnat. Maintenant, même si je ne suis pas le mieux placé pour en parler puisque je fréquente ce milieu depuis peu, il me semble que la Fédération comme les clubs ont l’ambition et la volonté d’avancer. Pour cela, de nombreuses choses très concrètes sont mises en place.
Actuellement, le football féminin n’est pas encore très populaire. Selon vous, est-ce dû à certains préjugés ?
Le football féminin a une vraie spécificité, que ce soit technique ou athlétique, différente de ce qui est montré par les garçons. Moi, je viens du football masculin, et pourtant je prends énormément de plaisir au sein du football féminin. Dans les deux cas on parle de football, mais l’approche est différente.
Mais le football comporte un côté « macho » qui peut desservir le football féminin…
Exactement. Mais pour le coup, je suis très bien placé pour en parler, je peux vous garantir que j’ai des filles dans mon effectif qui ont des qualités techniques et athlétiques vraiment importantes.
Au point d’imaginer des confrontations entre hommes et femmes ?
À défaut de faire une rencontre d’opposition, on pourrait faire une rencontre mixte, de fusion. On ne peut pas vraiment opposer ou comparer le football féminin ou masculin. Mais on peut tout imaginer pour promouvoir le football féminin, toutes proportions gardées.
Quelles seraient donc les valeurs du football féminin à vos yeux ?
L’implication, dans tous les sens du terme, je pense que c’est vraiment une caractéristique du football féminin.
Autrement dit le professionnalisme ?
Exactement. C’est cette capacité à s’investir, à s’intégrer dans un projet, à se donner les moyens de réussir en étant extrêmement organisé avec tous les paramètres extra-sportifs qu’il faut gérer au quotidien. Donc oui, c’est une forme de professionnalisme d’arriver à accomplir tout cela. En tout cas, je suis admiratif de ce que font les filles de mon groupe. Elles mériteraient beaucoup plus de reconnaissance que ce qu’elles ont aujourd’hui.
Pour conclure, si vous deviez vous transformer en VRP du football féminin, comment le vendriez-vous ?
Dans le football féminin, pour tous les passionnés de football, on y retrouve vraiment le plaisir. On est moins porté sur une intensité démesurée ou sur des gestes excessifs. Nous avons de vraies athlètes de haut niveau, qui procurent beaucoup de plaisir aux téléspectateurs et aux spectateurs parce qu’on a prouvé les années passées que ce football-là apporte de réelles satisfactions. Il ne déçoit jamais, tant dans l’état d’esprit que dans le jeu.
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